Violences au Mexique: "la corruption est le mal endémique"
Griselda Mutual – Cité du Vatican
«Dans une démocratie qui est en train de vivre une période de transition, avec le passage d’un régime répressif à un régime permissif, qui a laissé un vide dans les institutions, on a vu se créer l’actuel climat de violence et de corruption. Et même si la magistrature est indépendante, cette transition exacerbe la violence dans le pays, en raison des lacunes dans la gestion et l’application de la justice elle-même. Avec un tel scénario, il est facile que la chaine de commandement se corrode à tous les niveaux, avec notamment des policiers impliqués dans de graves affaires de corruption, avec la justice qui n’agit pas comme elle le devrait. (…) Le vide laissé par la justice contribue à ce climat latent de mécontentement et de défiance envers les institutions. Il ne faut donc pas s’étonner si quelqu’un arrive avec un pistolet, et vous tire dessus, en vous disant: ‘je ne suis pas satisfait’ ou ‘tu n’as pas fait ce que je voulais’. C’est très commun. Ces personnes n’ont pas peur, parce que, de toute façon, les juges peuvent être corrompus. Un tueur peut assassiner et ne pas aller en prison. C’est pour cela que nous avons tant de morts, plus de 27 000 depuis 10 ans, et les prêtres ne sont pas épargnés par cette violence. Mais les homicides de prêtres participent de ce climat général, je ne crois pas qu'ils correspondent à une cruauté particulière vis-à-vis de l'Eglise.
Pourquoi cette normalisation de la violence ? Cela a-t-il à voir avec le trafic de drogue ? Les lacunes de la justice ? Le climat politique ? La destruction du tissu social?
Je pense qu’il s’agit de tous ces facteurs à la fois. En premier lieu, la question du trafic de drogue, un cancer qui se répand au niveau national. Il y a ensuite également une grande décomposition sociale: l’individualisme, un laïcisme exagéré où tout est centré sur l’homme, et où tout ce qui me fait mal ou ne va pas dans le sens de mes intérêts, je le déteste, je le piétine et je réclame des droits qui ne m’appartiennent pas. La personne se met à la place de Dieu: c’est un aspect de la détérioration du tissu social. Vous avez aussi les exigences de la famille qui ne sont pas prises en compte comme avant. Cette désintégration familiale, que nous vivons si fortement ici au Mexique, contribue à ces processus violents vécus dans la société, tout comme les menaces des élèves contre les enseignants. Les enseignants ont peur d’eux. Cela fait écho au problème des forces de l’ordre et de la justice : il n’y a plus de respect pour l’état de droit. Il s’ensuit une détérioration de la société qui, conjuguée au manque de valeurs, fait perdre toute valeur à la vie humaine. Ce qui explique, par exemple, qu’une personne peut être tuée pour 20 dollars. Nous vivons une situation d’insécurité, les gens ont très peur. Il y a des attaques de bus, dans le métro, dans les rues, dans les maisons, en plein jour.
L’absence de l’état de droit est-elle due à la corruption?
Nous avons de très bonnes lois, mais elles ne s’appliquent pas. L’absence de l’état de droit a plusieurs causes, dont la plus importante est la corruption. Si vous avez de l’argent, vous pouvez acheter la volonté des juges. Ainsi, seuls les plus riches peuvent voir leurs affaires arriver à terme, les pauvres n’en ont pas la possibilité. Je crois que la corruption est le mal endémique du Mexique.
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