Au Pakistan, libération de la chrétienne Asia Bibi
Marine Henriot - Cité du Vatican
Son histoire avait suscité l’indignation du monde entier, la chrétienne Asia Bibi est aujourd’hui une femme libre. La Cour suprême du Pakistan a acquitté en appel la mère de cinq enfants, condamnée à mort pour blasphème en 2010, selon un verdict rendu public mercredi 31 octobre. «Elle a été acquittée de toutes les accusations», a déclaré le juge Saqib Nisar lors de l'énoncé du verdict à la Cour suprême. Actuellement dans une prison dans le centre du pays, elle devrait être libérée «immédiatement», a annoncé le juge.
Asia Bibi avait été condamnée à la peine capitale à la suite d’une dispute avec une musulmane au sujet d’un verre d’eau. Le destin d’Asia Bibi avait touché les papes Benoît XVI et François, ce dernier avait reçu en audience privée au palais apostolique la famille de la victime le 24 février dernier.
Et ensuite ?
Interviewée par Vatican News en février dernier, Eisham Ashiq, la fille d’Asia Bibi assurait que sa mère ne pourrait pas survivre au Pakistan une fois libérée, «parce que beaucoup de gens là-bas exigent sa pendaison, malgré les prières des gens du monde entier. Dès qu’elle sera libérée, elle ira immédiatement dans un lieu apaisé, serein et convenable.»
L’histoire de cette chrétienne d’origine modeste divise en effet l’opinion au Pakistan. Les militants du groupe religieux extrémiste devenu parti politique, le Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) a organisé des rassemblements contre la libération de la chrétienne, allant jusqu’à menacer les juges en charge de l’affaire, «Les musulmans pakistanais prendront les mesures adéquates face aux juges (...) et les conduiront à une fin horrible». Le verdict pourrait aujourd’hui susciter la fureur des milieux religieux fondamentalistes.
Un ancien gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, qui avait pris sa défense, avait été abattu en plein coeur d'Islamabad en 2011 par son propre garde du corps. Son assassin a été pendu début 2016.
Neuf ans de procès
Après neuf ans de marathon judiciaire, l'avocat d'Asia Bibi, Saif Ul Malook, interrogé pour Vatican News par le journaliste Emmanuel Derville, s'est déclaré heureux de cette libération, mais aussi sous pression. L’avocat qui vit sous protection policière confie n’avoir aucun avenir au Pakistan et devra peut-être lui aussi quitter le pays.
Au Pakistan, le blasphème reste un sujet extrêmement sensible. Ceux qui sont reconnus coupable d’offense à l’islam encourent la peine capitale.
La satisfaction de Paul Bhatti
Suite à l'annonce de l'acquittement d'Asia Bibi, la section italienne de Vatican News a recueilli la réaction de Paul Bhatti, un homme politique pakistanais, frère du ministre assassiné Shahbaz Bhatti. Après son frère, il a été à son tour ministre des Minorités, de 2011 à 2013. On l’écoute :
Selon lui, «cette nouvelle reflète le courage de la justice actuelle et du pays qui va vers une cohabitation pacifique et le respect des minorités. Moi j’ai lu l’arrêt de la Cour suprême – ça représente 57 pages – et c’est vraiment beau. Le chef de la Cour suprême, Saqib Nisar, a déclaré : "nous sommes obligés, par notre foi, de défendre les personnes les plus faibles et non de les tuer ou de les discriminer" , et il a précisé que sa foi était musulmane et que tout ce qu’il a dit reflète la foi musulmane. Il a dit à la fin que, ne trouvant aucune charge contre Asia Bibi, elle devait être acquittée immédiatement. Et ça a suscité chez nous un grand espoir, même si on craint, dans le même temps, qu’il y ait des possibles répercussions contre les chrétiens», s'est-il inquiété.
Des manifestations à l'appel de partis islamistes ont été signalées dans les principales villes pakistanaises, où des rues ont été bloquées par des pneus brûlés.
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