À Lourdes, Mgr Pontier redit la «résolution» de l'Église de France à lutter contre les abus
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
C’est par des extraits de la dernière exhortation apostolique du Pape François, Gaudete et Exultate, que Mgr Pontier a débuté son discours ce samedi matin. La sainteté entendue comme un «appel à la radicalité» est mise en exergue dès les premières lignes. «Notre désir d’aimer le Christ et de le suivre est total. Nous avons engagé notre vie dans ce sens et nos frères baptisés également. Nous sommes heureux de voir la générosité et le sens du service des plus pauvres qui s’expriment dans la vie de beaucoup d’entre eux», a assuré le président de la Conférence des évêques de France.
«Nos Églises sont fragiles et fortes. Fragiles à cause de la faiblesse et du péché de leurs membres, fortes de la fidélité de Dieu, de l’œuvre de l’Esprit-Saint, de la grâce multiforme venant du Seigneur» a-t-il ensuite reconnu, comme une introduction aux sujets qui ont suivi.
Aider les personnes abusées : «nous n’avons que trop lentement perçu la profondeur de leur blessure»
Mgr Pontier s’est ensuite appuyé sur un autre écrit récent du Saint-Père : la Lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018, à propos des abus sexuels. Une large partie de son discours fut consacrée à ce thème crucial. «Même si nous savons que ce drame des enfants abusés dans notre société déborde amplement la responsabilité d’acteurs ecclésiaux, cela ne diminue en rien notre peine, notre honte, notre confusion», a reconnu l’archevêque de Marseille, avant de dresser un bilan du chemin parcouru par l’Église de France : «Nous-mêmes, évêques, nous portons avec peine et lourdeur cette réalité. Si notre désir est de comprendre les raisons qui ont pu permettre que cela ait pu avoir lieu, et que nous nous posons la question de faire appel à un groupe d’experts indépendants, historiens et d’autres compétences pour nous y aider, nous ne cherchons en rien à la justifier. Depuis maintenant plus de quinze ans nous ne sommes pas sans rien faire pour accompagner toujours mieux les victimes, pour prévenir ces drames inqualifiables, pour agir avec grande fermeté vis-à-vis des auteurs ou pour organiser des temps de formation pour tous ceux et celles qui interviennent dans des responsabilités ayant en charge des enfants et des adolescents. Oui, telle est notre résolution. Elle ne supporte pas d’hésitations».
«Nous sommes aussi les évêques des personnes abusées et nous savons que ce sont elles les victimes et que nous n’avons que trop lentement perçu la profondeur de leur blessure», a accordé Mgr Pontier. Quelques-unes des victimes ont d’ailleurs été invitées à cette Assemblée plénière pour être écoutées par les évêques au sein de petits groupes de discussion. «Il faudra poursuivre cette écoute et ce travail ensemble. Nous avons besoin de le faire ensemble pour nous éclairer, pour prendre notre juste part dans le réparation humaine, spirituelle et ecclésiale de ce qui a été détruit dans leur chair et leur vie. Certains doutent de notre réelle détermination», a fait remarquer l’archevêque de Marseille. «Nous leur disons : venez et travaillons ensemble. Retrouvons la confiance minimale nécessaire pour y parvenir. Votre souffrance a pris une ampleur d’autant plus profonde que les auteurs étaient parmi ceux qui inspirent confiance et sont serviteurs de l’amour de Dieu pour chacun. Nous sommes appelés à parcourir ensemble un chemin qui devra porter ses fruits pour les victimes et pour la vie ecclésiale».
Le président de la CEF a ensuite évoqué d’autres abus, les dérives sectaires : «Permettez-moi ici d’assurer également les victimes de dérives sectaires au sein de l’Église de notre même détermination pour lutter contre les abus divers qui peuvent se produire dans des groupes ecclésiaux ou dans des communautés constituées. […] Nous continuerons sans relâche notre travail en ce sens», a-t-il assuré.
Réfléchir à la formation des prêtres
Dans le discours d’ouverture de l’Assemblée plénière a bien évidemment été mentionné le Synode, qui s’est clôturé à Rome le 28 octobre dernier. «La rencontre du Christ conduit au bonheur, éclaire la conduite de nos vies humaines pour en faire des vies fraternelles, fait retentir des appels divers à se donner et notamment l’appel plus spécifique à le suivre dans le sacerdoce ou la vie religieuse. La jeunesse d’aujourd’hui n’est pas fermée à cette expérience. Bien au contraire», a souligné Mgr Pontier.
«Un moment important de notre travail sera consacré à l’écriture de la ratio nationale au sujet de la formation des séminaristes», a-t-il poursuivi. «Ce travail sur la ratio nous amène à nous poser des questions radicales : quels formateurs pour demain ? Quels visages de prêtres pour nos communautés ? Quels lieux de formation ? Il nous faut encore et encore y réfléchir entre nous. Souvent on nous demande si les questions de comportement sont abordées dans la formation des séminaristes. Je puis assurer que nos séminaires prennent en compte cette importante dimension de l’équilibre humain».
La bioéthique au cœur des sujets sociétaux
Le président de la CEF a par ailleurs commenté quelques sujets toujours d’actualité : la communauté européenne, qui selon lui «traverse une étape difficile de son histoire», la paix en Europe, à cent ans de l’Armistice, l’écologie, «le drame des réfugiés», lequel devient «une crise aux aspects multiples» qui «ne peut être simplifiée à plaisir» d’après Mgr Pontier.
La révision de la loi de bioéthique est venue achever ce discours, ce qui a permis à Mgr Pontier de réaffirmer la position de l’Église sur ce sujet. «Ne risque-t-on pas de défaire le " modèle français de bioéthique ", construit patiemment depuis 25 ans, sans en avoir mesuré les conséquences ?», a alerté le président de la CEF avant d’ajouter : «On le voit, l’heure est grave !»
Deux solutions se profilent concernant la bioéthique : «Soit nous optons pour une société basée sur la dignité humaine qui s’impose à tous comme un bien supérieur à considérer avec attention et respect», «soit nous allons vers une société ultra libérale, où les libertés individuelles sont considérées en premier lieu sous prétexte de respecter l’autonomie des individus et de garantir toutes les possibilités de choix offertes par les techniques».
Mgr Pontier a choisi de plaider pour «une société fondée sur la dignité humaine reconnue chez tous et par tous, sur l’interdépendance grâce aux relations que les hommes entretiennent nécessairement entre eux pour vivre la juste fraternité, sur le respect d’une liberté caractérisée par la responsabilité vis-à-vis d’autrui et de sa dignité».
Dès lors, le christianisme doit s’appuyer sur ses valeurs et les promouvoir pour que la dignité et la fraternité humaines progressent dans le monde entier : «selon la foi chrétienne, tout être humain est « à l’image de Dieu ». Cela exprime non seulement la profondeur de son mystère, mais aussi et surtout la tâche – redoutable et magnifique – qui est la sienne ! Le dialogue, la fraternité, l’hospitalité et la dignité sont des valeurs précieuses aux yeux de Dieu : elles fondent la liberté responsable grâce à laquelle les êtres humains peuvent construire une société de justice et de paix, en s’aimant les uns les autres comme Jésus nous a aimés», a conclu Mgr Georges Pontier devant ses confrères.
Retrouvez le discours en intégralité
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