Panama 2019 : les petites, grandes JMJ de l’espérance
Manuella Affejee- Panama City
La valeur plutôt que le nombre, la qualité plutôt que la quantité: voici ce que nous enseignent ces 34e JMJ, que beaucoup qualifient déjà de «petites». Et de fait, en termes purement numériques, elles ne peuvent se comparer à celles de Manille, Rome, Rio ou Cracovie, qui avaient drainé des foules impressionnantes. De nombreux Européens, Africains ou Asiatiques n’ont en effet pu faire le déplacement pour des raisons évidentes de distance et de coût des moyens de transport. Mais force est de constater que l’enthousiasme et la joie si propres aux JMJ n’ont aucunement pâti de cette situation, au contraire. Petites par le nombre certes, mais grandes par l’espérance qui les a traversées, et tangible à plusieurs niveaux.
Des JMJ de l’accueil
Celui de l’accueil d’abord. Celui des Panaméens envers les pèlerins fut royal, sans réserve et la semaine passée dans les diocèses fut à cet égard particulièrement marquante. Hébergés dans des familles très modestes, partageant leur quotidien, leur pain et leur vie, les jeunes ont fait l’expérience d’une fraternité simple et vraie, d’une générosité prodiguée avec chaleur et sincérité. «Ils n’avaient rien et pourtant ils nous ont tout donné», témoignait un jeune pèlerin accueilli avec son groupe dans le diocèse de Chitré.
Cette immersion totale au cœur des réalités panaméennes leur a en outre fait contempler tout le paradoxe de ce pays, pétri de contrastes. Le spectacle de ses inégalités criantes les a choqués, interpellés autant qu’il a réveillé quelque chose en eux.
Des JMJ latino-américaines
Ces JMJ ont également manifesté la vitalité de la jeunesse catholique latino-américaine. Les Brésiliens, Péruviens, Paraguayens, Guatémaltèques, honduriens, Salvadoriens ou costaricains ont constitué l’essentiel des pèlerins de ces JMJ et leur forte présence a indéniablement contribué au climat de joie ambiant. Ils viennent pourtant de terres blessées par la violence, le narcotrafic, la corruption, les migrations forcées, la pauvreté, la marginalisation des peuples autochtones, -problématiques évoquées lors de la rencontre du Pape avec les autorités, avec les évêques centraméricains et lors du chemin de croix du vendredi soir. Ces maux les affectent directement ,-beaucoup de Nicaraguayens ou de Vénézuéliens ont dû renoncer à venir en raison de la crise qui sévit dans leur pays-, et peuvent assombrir leur horizon, et cependant l’on reste surpris et édifié par la vivacité et la profondeur de leur foi, leur force et leur volonté de s’engager tels des agents d’espérance au sein de leurs sociétés.
Des JMJ mariales
Comment ne pas évoquer la Vierge Marie, l’invitée d’honneur de ces JMJ ? De l’avis de tous, le thème marial qui a été choisi, -une première-, leur a conféré une tonalité spirituelle particulière. En priant, méditant et partageant sur son «fiat», -«je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole»-, beaucoup de jeunes se sont rapprochés de la mère de Dieu. Le Pape François n’a d’ailleurs cessé d’indiquer la jeune fille de Nazareth, la «grande gardienne de l’espérance», «l’influencer» de Dieu, comme modèle de force et de courage, de confiance et d’engagement, à suivre et à imiter.
Des JMJ de la miséricorde
Une fois de plus, François a su imprimer sa marque à ces JMJ, montrant qu’il restait le Pape de la main tendue, conscient qu’un geste vaut parfois mieux que mille paroles. Il l’a encore signifié à deux occasions au cours de ces journées, en célébrant une liturgie pénitentielle dans un centre de réhabilitation pour mineurs, -jamais un tel événement n’avait eu lieu au cours des JMJ-, et en se rendant dans une maison d’accueil de malades du sida. Dans les deux cas, il lui a été donné de toucher des réalités dures et cruelles, mais étrangement non dénuées de beauté et d’espérance, en somme, tout ce dont ce monde désorienté et enténébré a besoin. Depuis ces deux centres éloignés des fiers gratte-ciels de Panama City, François a rappelé que les pauvres, les malades, les prisonniers et les oubliés, sont bel et bien la chair du Christ crucifié et que la miséricorde de Dieu n’exclut personne.
Des JMJ de l'engagement au présent
Cela étant dit, d’aucuns pourraient encore ne voir dans cet événement que son aspect festif, et l’assimiler à une sorte de «Woodstock catho» de jeunes idéalistes uniquement préoccupés de se divertir et «prendre du bon temps». C’est peut-être le cas pour certains, mais la réflexion mérite définitivement d’aller plus loin.
Car en réalité, les JMJ révèlent ce besoin indispensable pour les jeunes de se retrouver, de se rassembler par-delà les barrières des langues et des cultures, de chanter et de prier ensemble, non autour d’une idée farfelue ou d’un slogan inepte, mais autour d’une personne: le Christ, le seul à pouvoir combler leur cœur et répondre à leur soif d’absolu et d’éternité.
Cela, le Pape l’a bien compris. Pas de discours sirupeux ou flatteur à l’adresse des jeunes, mais des paroles exigeantes, engageantes. La vie avec le Christ ne souffre pas d’entretemps, ni de report au lendemain: elle est ici et maintenant. Les jeunes «ne sont pas l’avenir, (ils sont) «l’heure de Dieu». De ce postulat, découle une mission: celle de ne pas se satisfaire de l’enthousiasme d’un moment, de ne pas s’attacher à la virtualité illusoire des réseaux sociaux, mais de choisir le concret de l’amour, de se mettre en jeu, de risquer, de s’engager, à l’école de la Vierge Marie. Il s’agit maintenant de rentrer chez soi, et de témoigner avec les paroles et les actes que le Christ et sa mission «ne sont pas une mode passagère, (mais qu’) ils sont notre vie !»
Les JMJ lieu du dialogue
Il est intéressant enfin de noter que les JMJ sont le lieu privilégié de ce dialogue intergénérationnel dont le Saint-Père parle souvent. Il est frappant de voir combien le courant passe entre ce Pape de 82 ans et les jeunes, combien ils s’enrichissent mutuellement, combien les paroles du successeur de Pierre touchent leurs cœurs, et combien François puise dans leur énergie et leur joie la force d’aller de l’avant.
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