Une femme dans un camp de déplacés au Soudan du Sud, février 2018 Une femme dans un camp de déplacés au Soudan du Sud, février 2018  

La pacification du Soudan du Sud fortement compromise d’après les évêques

Les évêques du Soudan du Sud font part de leur inquiétude concernant l’accord de paix conclu il y a six mois entre le président Salva Kiir et son opposant, le chef rebelle Riek Machar. Dans un communiqué publié hier depuis Juba, les prélats expliquent que les parties sont prêtes à reprendre les combats. Après la période d’espoir vécue en septembre, l’horizon s’assombrit.

Adélaïde Patrignani (avec AFP) – Cité du Vatican

Le constat des évêques est sans appel: «le niveau du conflit a été réduit mais l'accord de cessation des hostilités ne tient pas». Selon les prélats, «toutes les parties sont engagées soit dans des combats soit dans des préparations de guerre», et ne se préoccupent pas «des causes profondes du conflit».

La barbarie continue dans l’impunité

«La valeur de la vie humaine et la dignité sont oubliées et les violations des droits humains continuent dans l'impunité, notamment les meurtres, les viols, les violences sexuelles, le pillage et l'occupation de terres et de propriétés appartenant aux civils», s’alarment les évêques. Ils s’inquiètent aussi pour les millions de personnes réfugiées ou déplacées, ainsi que pour la situation économique de ce pays ruiné.

Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en décembre 2013 lorsque le président Salva Kiir, de l’ethnie Dinka, a accusé Riek Machar, son ancien vice-président et membre de l'ethnie Nuer, de fomenter un coup d'État. Le conflit, marqué par des atrocités à caractère ethnique et par le recours au viol comme arme de guerre, a fait plus de 380 000 morts, selon une étude récente. Il a poussé plus de quatre millions de Sud-Soudanais (soit près d'un tiers de la population) à fuir, et a également été marqué par la violation d'accords de paix et de cessez-le-feu.   

Un appel au respect des principes démocratiques

Ce n’est pas la première fois que l’épiscopat du pays s’exprime sur le processus de paix, en réclamant davantage d’efforts et en formulant des propositions. Cette fois-ci, les prélats demandent au président Salva Kiir de s’engager «de façon constructive» avec toutes les parties prenantes pour que l’accord de paix soit respecté. Ils réclament aussi des mesures concrètes: la fin de l’état d’urgence «pour assurer la liberté d’expression et d’autres droits démocratiques», la libération des prisonniers politiques et des prisonniers de guerre, des procédures judiciaires adaptées… Ils dénoncent le fait que l’aide humanitaire ne puisse pas parvenir dans de nombreuses régions, et que beaucoup de parents n’aient pas accès aux soins pour leurs enfants. Rappelons que plus d’un million et demi d’habitants sont menacés par la famine, et six millions souffrent déjà de la faim.

L’engagement de l’Église pour la réconciliation nationale

Pour l’épiscopat Sud-Soudanais, la résolution du conflit passe aussi par un dialogue national «sincère et global», notamment entre les différentes tribus du pays. Ils recommandent donc l’implication des chefs traditionnels pour «renforcer la compréhension et contribuer à la mise en œuvre complète de l’accord» signé le 12 septembre dernier en Éthiopie. Les responsables religieux et les responsables de la société civile devraient quant à eux jouer un «rôle majeur dans la réconciliation nationale» de ce pays au trente-deux États, profondément fragmenté par les tensions communautaires. Enfin les évêques assurent que l’Église catholique «continuera à utiliser la prédication, l’enseignement et les réseaux pastoraux pour créer un climat propice à la paix et à la réconciliation». Elle jouera aussi son rôle au sein du Conseil des Églises du Soudan du Sud, actif dans le processus du paix.

Toutes ces mesures, bien suivies, «créeront un environnement politique, social et économique favorable», concluent les évêques. Et la population pourra enfin «bénéficier des dividendes de la paix».

 

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01 mars 2019, 12:36