CEF : le trouble profond de l’Église de France
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France depuis six ans, laissera la main cet été. Son successeur doit être élu cette semaine à Lourdes où est rassemblé tout l’épiscopat pour son assemblée de printemps. Dans son discours, il est revenu sur le malaise général qui habite, pour des raisons différentes, l’Église de France comme la société française dans son ensemble, sans oublier l’Europe, élections obligent.
C’est bien sûr la question des abus qui a été abordée en premier. Revenant sur la réunion de février au Vatican, sur la situation du diocèse de Lyon, et «la mise au grand jour de l’horreur vécue par des religieuses agressées par des prêtres diocésains ou religieux, ou parfois même par leurs propres supérieures», Mgr Pontier a jugé qu’il «n’est pas étonnant qu’un trouble profond se soit emparé de beaucoup : évêques, prêtres, personnes victimes, religieux, fidèles laïcs, observateurs de la vie en société». Il a dénoncé «le mensonge profond qui peut marquer des vies», rappelant, comme l’a fait le Pape François, que c’est «le cléricalisme sous toutes ses formes» qui est «une cause majeure de ces dysfonctionnements dans la vie des communautés chrétiennes».
Face aux interrogations des victimes notamment, Mgr Pontier a été clair: «un pas a été franchi. Nous avons pleine conscience de notre responsabilité par rapport aux enfants et aux jeunes que l’Église accueille, ainsi qu’à l’égard des personnes déjà victimes. Nous ne reviendrons pas en arrière». «Leur souffrance devient celle de toute l’Église. Leur détermination est devenue la nôtre, l’écoute de leur témoignage, une interpellation et une communion.»
Mouvement des gilets jaunes
Autre sujet de malaise, celui qui touche la société française depuis plus de quatre mois et qui est exprimé par les gilets jaunes. Dénonçant les violences physiques et verbales, Mgr Pontier a mis toutefois en garde les autorités: «aucune décision ne pourra apaiser le climat si on ne sent pas qu’elle est prise au nom de la recherche du bien commun, avec une attention particulière pour ceux qui sont les plus en difficulté. Ceux qui exercent la responsabilité du pouvoir et ceux qui sont engagés en politique ont une grave responsabilité: celle de redonner confiance au politique.»
Sur l’environnement, soulignant que le Pape François avait offert une riche réflexion avec son encyclique Laudato Si’, le président sortant de la CEF a insisté sur le fait qu’il «faut penser au temps long». Concernant la bioéthique, largement discuté depuis plusieurs mois en France, Mgr Pontier a rappelé que la noblesse de la bioéthique résidait dans le fait d’«intégrer l’usage des techniques dans un projet de société dont la pierre d’angle est la fraternité fondée sur l’égale dignité de tous, sans exception, de telle sorte qu’aucune domination ne s’institue légalement sur un être humain.» «Elle doit viser un modèle de société dont la loi ne sera ni le marché ni les intérêts politiques».
L’espérance malgré tout
Avec le Brexit, la montée des nationalismes, du rejet des migrants, le tableau est également bien sombre sur le continent européen. Mgr Pontier déplore «l’ignorance au sujet de l’Europe» et les «faussetés affirmées parfois même par des responsables politiques font peser un doute sur le bien-fondé du projet européen». D’où la nécessité, selon lui, d’un «élan nouveau». «Ne pensons pas trop vite que la paix est assurée, surtout si les replis nationalistes s’amplifient» a-t-il mis en garde.
Mais si le cadre général est pessimiste, Mgr Pontier a voulu conclure en revenant sur les fêtes pascales. «Notre foi chrétienne devient espérance en cette communion avec ce Dieu, Source de toute vie et de tout amour. Notre espérance ne se fonde pas sur nos qualités, ni nos performances, ni nos vertus, ni notre nombre. Elle se fonde sur la parole» de Dieu.
Mgr Pontier, dans l’interview qu’il nous a accordée, revient entre autre sur la question des abus, sur le premier bilan qu’il tire de sa présidence de la CEF et sur la situation et l’état d’esprit de l’Église de France:
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