Philippines: l’Église mobilisée à l’approche des élections
Marie Duhamel – Cité du Vatican
Ordre a été donné au service de sécurité du sanctuaire de Lucban de raccompagner à la porte tous les candidats aux élections de mi-mandat ou toute personne tenant des discours politiques dans l’enceinte de ce haut-lieu de pèlerinage des fidèles philippins, situé dans la province de Quezon. Son administrateur a également mis en garde contre la distribution de tracts ou de banderoles électorales. «Le sanctuaire est un lieu de prière et de nettoyage spirituel», explique le père Joey Falley qui appelle les politiques à respecter les fidèles et leurs lieux de culte, surtout en ce temps de Carême.
Les électeurs appelés à élire des politiques méritants
À quelques semaines des élections qui doivent conduire au renouvellement de la Chambre des représentants, de 12 sénateurs et de l’ensemble des élus des administrations régionales, provinciales ou municipales, l’Église appelle à «un vote responsable».
Les évêques ont appelé à former «des cercles de discernement», pour que chacun puisse discuter librement avec d’autres membres de leur communauté à propos des questions relatives au scrutin et au choix de leurs futurs dirigeants. «Ces derniers ne devraient pas être élus sur la base de faveurs personnelles concédées à l’électeur, mais sur leurs prestations visant à améliorer le service public et leur engagement à travailler pour le bien commun», affirme l’évêque de Cagayan de Oro, sur l’île de Mindanao majoritairement musulmane, située au sud de l’archipel. Mgr Antonio Javellana Ledesma invite ainsi les électeurs à s’en remettre à Dieu pour élire les candidats les plus méritants.
300 000 observateurs déployés par l’Église
Le jour du scrutin, l’Église catholique espère déployer 300 000 observateurs et bénévoles pour aider à «garantir des élections transparentes, honnêtes, soignées, significatives et pacifiques». Ils sont impliqués dans le Conseil pastoral pour le vote responsable (Parish Pastoral Council for Responsable Voting, PPCRV), une structure créée en 1991 au sein de l’Archidiocèse de Manille, qui collabore avec la Commission électorale, en gardant des bulletins de vote et en effectuant un dépouillement parallèle non officiel des voix. Le Conseil organise également des séminaires d’éducation dans les paroisses et les institutions ecclésiales afin de «former les consciences et combattre les fraudes».
L’Église espère que les jeunes pourront s’impliquer dans la politique philippine. «Le changement doit commencer avec eux et à partir d’eux», estime Maria Isabela Buenaobra, directrice exécutive du PPCRV. Sur les 61 millions d’électeurs, les 18-35 ans représentent 20 millions d’électeurs. Les travailleurs philippins d’outre-mer forment un corpus de 1,9 millions de votants.
Intimidation et exécutions sommaires
À cinq semaines du scrutin, le climat reste critique et les intimidations contre les opposants au président réelles. La semaine passée, des organisations de défense des droits de l'Homme ont accusé la police d'avoir «massacré» 14 paysans dans le centre des Philippines, les autorités disant de leur côté avoir riposté à des attaques de rebelles communistes.
Ce lundi 8 avril, l’association des Supérieurs religieux des Philippines, qui représentent 327 congrégations dans le pays, a publié un communiqué pour «condamner fermement le flot continu d’allégations malveillantes» formulées par des membres du gouvernement et de la part de militaires à l’encontre des missionnaires se trouvant dans les zones rurales des Philippines ou d’autres organisations, notamment de défense des droits de l’homme.
«Pointer du doigt ou accuser des individus et des organisations d’être des terroristes communistes nuit à la démocratie et au respect des droits de l’homme» écrivent les supérieurs religieux. Ils précisent que cela «dans le pire des cas» peut conduire «à des arrestations sans mandats, à de la détention sans inculpation, de la torture, des disparitions forcées et des exécutions extra-judiciaires». Selon eux, 20 000 Philippins auraient été tués sommairement, sans procès.
Les supérieurs s’inquiètent de «la défiance croissante, des divisions et de l’animosité entre nos peuples », ainsi que «d’une violence sans fin parmi nous». Ils se disent également profondément troublés par le fait que l’État cède à un pays voisin communiste les ressources naturelles ou le patrimoine du pays.
Fondée en 1969 par l’Église comme une réponse à la détresse et aux conditions injustes des pauvres en zones de campagne, la «Rural Missionaries of the Philippines» n’a plus à démontrer son intégrité ni son engagement après 50 ans de travail missionnaire et de présence continue dans les zones les plus oubliées du pays, pour accompagner les fermiers les plus pauvres et marginalisés ainsi que les peuples autochtones.
Dans leur message «paix pour ce pays», les religieux souhaitent que les missionnaires dans le monde rural puissent continuer à faire leur travail, nécessaire en raison des manquements de l’État. Ils affirment «désirer ardemment» et prier pour l'équité sociale et une paix juste aux Philippines.
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