Face à la crise, les évêques du Nicaragua invitent à construire un avenir de paix
Adélaïde Patrignani– Cité du Vatican
«La joie pascale: une clé pour lire l’histoire actuelle de la patrie», tel est le titre de ce message signé par neuf évêques membres de la Conférence épiscopale du Nicaragua (CEN). Les prélats constatent d’abord combien «continue la souffrance de la famille nicaraguayenne». Ils mentionnent en particulier «les prisonniers politiques, le manque de respect des droits constitutionnels, les exilés, les réfugiés, les demandeurs d’asile, la pauvreté, le chômage, l’insécurité, le conflit sur les terres» et ses conséquences en matière de déplacement des familles.
Cinq lignes directrices
Face à ces multiples plaies, la fête de Pâques «donne la clé pour vivre la joie de l’espérance» et la susciter chez les autres, expliquent les évêques. Cette joie évangélique répond aux aspirations du peuple nicaraguayen, mais la transmettre est une tâche exigeante et difficile, puisque cela «suppose de se décentrer de soi-même et de faire passer les intérêts d’autrui et de la nation avant les siens».
Le message de la CEN donne alors cinq pistes décrivant quel pays doivent s’engager à construire le peuple nicaraguayen et ses dirigeants: «un Nicaragua où nous soyons tous capables de parvenir à une vision de changement qui conduise à une transformation qualitative»; «(…) où l’on assume la centralité de la personne humaine et sa dignité comme enfant de Dieu»; «(…) où l’on respecte et renforce la démocratie et son caractère institutionnel»; «(…) où s’exerce sans restrictions la liberté d’expression»; «(…) où la paix soit un fruit de la justice».
En développant chacune de ces orientations, les prélats s’appuient sur une citation biblique ou une réalité évangélique qui rejoint le peuple du Nicaragua dans sa situation actuelle et les défis à venir.
Mettre fin à la répression politique
Ainsi, la paix du Crucifié-Ressuscité est celle «dont a besoin notre pays pour ne pas répéter une histoire de souffrance, mort, douleur et agonie. C’est seulement ainsi que le Nicaragua commencera une nouvelle histoire sans les poids ni les compromis du passé». Il est aussi rappelé le caractère fondamental de la dignité de la personne humaine. «Il est impératif que dans une société, il n’existe pas d’actions de répression et de persécution», et que soient plutôt favorisées «un climat de liberté sans entrave et de confiance». Une référence en creux à la situation politique du pays, où le président Daniel Ortega, ex-guérillero sandiniste de 73 ans, est accusé par l’opposition d'avoir instauré une dictature. Le mouvement de contestation populaire a commencé en avril 2018, suite à une réforme impopulaire de la sécurité sociale. Après un an de violences politiques, entre 350 et 500 morts ont été dénombrés (l’exécutif n’en reconnaît que 199), ainsi que 60 000 exilés et plus de 700 prisonniers politiques.
Plaidoyer pour un État démocratique
Les Nicaraguayens sont donc encouragés par les prélats à s’engager pour «une politique avec des principes éthiques et au service du bien commun». « La joie pascale nous presse de travailler pour la construction de ce projet historique afin de cheminer vers la rencontre avec Dieu», ajoutent-ils.
Ils rappellent également plusieurs principes démocratiques impliquant que «les structures du gouvernement ne soient pas un pouvoir arbitraire ni une opportunité pour la répartition de charges, de faveurs et de privilèges». «Pour aucune raison un seul pouvoir de l’État ne peut prévaloir sur les autres», est-il souligné. Les évêques plaident aussi pour un processus électoral «neutre, impartial et observé nationalement et internationalement», pour des élections libres et pour une justice indépendante.
L’importance de la liberté de la presse et de la liberté d’expression est ensuite mise en valeur, en tant que fondement d’un «ordre démocratique au Nicaragua». «Sans liberté d’expression toutes les autres libertés se flétrissent et finissent par disparaître», peut-on lire.
En communion avec Jésus-Christ
Enfin l’accent est mis sur la justice. Les Nicaraguayens sont appelés «à établir des accords (…) qui soient durables et respectés», afin d’appuyer «toute initiative de dialogue» et «particulièrement l’effort que le Saint-Siège est venu faire» à travers les messages du Pape François et la présence du nonce apostolique, Mgr Waldemar Sommertag. D’après les évêques, ces accords et ces tentatives de dialogue doivent être guidés par plusieurs objectifs: «la vérité concernant les faits, la non-impunité des coupables, la réparation et la réinsertion des victimes et de leurs familles». «C’est la seule chose qui puisse donner une véritable sécurité aux citoyens. C’est seulement ainsi que l’on peut construire moralement un pays», poursuivent les auteurs.
En conclusion de leur message, les évêques offrent une autre réflexion sur le dynamisme de la joie pascale, enracinée dans le Christ vainqueur des ténèbres et de tout mal. «Il ne s’agit pas de chercher des chemins d’évasion face à la situation actuelle, mais de l’affronter à partir de la communion avec le Christ», affirment-ils. «De la même manière que la résurrection s’enracine dans la nuit de la croix, ainsi l’énergie et la joie du chrétien jailliront de la communion avec les souffrances de son Seigneur».
À Managua, la capitale nicaraguayenne, les négociations ont repris fin avril. Elles se déroulent en présence de six membres du gouvernement et de six membres de l’opposition, ainsi que du nonce apostolique et du représentant de l’Organisation des États Américains Luis Angel Rosadilla, tous deux invités à prendre part au dialogue en tant que témoins et accompagnateurs internationaux.
Deux accords importants ont été le fruit de ces négociations, l’un sur la libération des détenus politiques, l’autre sur les droits et les garanties des citoyens, mais ils doivent encore être mis en œuvre. Les autres thèmes au programme sont la question de la justice et le processus démocratique.
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