Macédoine du Nord : le Pape va rencontrer une Église dynamique de périphérie
Entretien réalisé par Jean Charles Putzolu - Cité du Vatican
Les catholiques de Macédoine du Nord représentent moins d'1% de la population, de confession à 65% orthodoxe et à 33% musulmane. Le présence chrétienne est ancienne: ce territoire fut évangélisé par les saints Cyrille et Méthode au IXème siècle. Avant cela, au IVème siècle, une première évangélisation avait déjà eu lieu, mais les invasions barbares qui avaient suivi en avaient effacé presque toute trace.
Durant la première moitié du XXème siècle, malgré le fait que la Constitution yougoslave stipule l’égalité des religions, l’Église catholique a subi diverses discriminations, en particulier dans le domaine de l’éducation. Avec l’arrivée au pouvoir des communistes du maréchal Tito en 1945 et jusqu’à l’indépendance quarante-six ans plus tard, la situation de l’Église catholique en Yougoslavie s’est donc nettement détériorée. Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège ont été rompues, avant d’être rétablies par l'État yougoslave en 1966. À la proclamation de l'indépendance en 1991, l'Église reprend ses activités et le nouvel État établit des relations diplomatiques avec le Saint-Siège.
Aujourd'hui, le pays compte environ 20 000 catholiques -15 000 de rite byzantin et 5 000 de rite latin.
Mgr Kiro Stojanov est évêque de Skopje et à la tête également de l’éparchie de la Bienheureuse Vierge Marie de l'Assomption de Strumica-Skopje. Il nous parle de son église : une minorité certes, mais dynamique.
«L’Église catholique de Macédoine du Nord est composée de deux diocèses. Le diocèse de Skopje, un diocèse assez ancien ; il était déjà présent aux premiers siècles du christianisme. Ensuite, il y a la nouvelle éparchie de catholiques de rite byzantin, érigée par Sa Sainteté le pape François l'année dernière. Il y a donc deux diocèses et, en tant que nombre, nous sommes une minorité ou, comme je préfère dire, nous sommes une "diaspora". Malgré cela, l'Église est très vivante, car il y a aussi de jeunes prêtres qui travaillent vraiment beaucoup, avec tous les fidèles qu’ils soient âgés, jeunes ou encore enfants. Ici, en Macédoine du Nord, nous avons le sentiment d’appartenir à une famille. Même si les deux diocèses suivent deux rites différents, il n'y a qu'un seul évêque responsable. Nous sommes tous unis au sein d’une même famille, tant de rite latin que de rite byzantin. La collaboration entre prêtres, entre religieux mais également parmi les fidèles est vraiment élevée. Aujourd'hui, nous sommes vraiment un exemple, un signe d'une Église vivante dans la société.
Le Pape François vient visiter cette Église vivante. Ce sera une courte visite - une journée - mais nous imaginons que toute la famille catholique, latine et byzantine se réjouit de ce voyage. Comment les autres communautés voient-elles cette visite?
Avant tout, je voudrais dire une chose. Le Pape François souhaitait vraiment visiter l'Église catholique de Macédoine du Nord. Vous savez très bien qu'au début de son pontificat, sa tâche consistait à visiter les Églises de périphérie. Nous sommes l'une d'elles. Le 7 mai, le Pape viendra visiter notre Église qui se trouve en périphérie. Sa visite ici sera assez courte, un jour, mais très dense. De nombreuses réunions sont prévues. Tout d'abord, selon le protocole, il rencontrera les plus hautes autorités de l'État.
Tout de suite après, il rencontrera les chefs religieux des Églises et des communautés religieuses inscrites dans la Constitution macédonienne. Le pape se réunira donc avec eux : la communauté orthodoxe qui représente la majorité ici, la communauté musulmane présente dans le pays, la communauté juive et la communauté méthodiste. La réunion aura lieu au Mémorial House dédié à Mère Teresa, car le Pape verra l'endroit où est née Mère Teresa, ici à Skopje. Ce centre commémoratif a été construit sur le site de notre ancienne cathédrale du diocèse de Skopje, détruite par un tremblement de terre en 1963. Je pense que c’est le bon endroit pour organiser cette réunion, en harmonie avec le charisme de Mère Teresa qui aimait tous les peuples.
Juste à côté de ce centre, le Pape rencontrera les pauvres auxquels les sœurs de Mère Teresa offrent un repas pratiquement tous les jours. Il me semble que, quel que soit l'endroit où il se rend, le Saint-Père n’en ira pas sans avoir rencontré les pauvres, les jeunes, même les jeunes de différentes ethnies et confessions. Ce sera le cas ici aussi.
Après sa rencontre avec les dignitaires religieux et avec les pauvres, le Pape célèbrera la messe sur la place centrale de Skopje. Je pense que ce sera le point central de sa visite ici en Macédoine du Nord. Nous attendons la venue de nos fidèles mais également de celle des pays voisins. Lors de la messe, les responsables politiques, les chefs religieux et d’autres invités seront présents.
Après un bref repos, il rencontrera avec les jeunes orthodoxes, musulmans et catholiques qui pourront témoigner de leurs expériences respectives. C’est ce que nous voulons montrer, à savoir que dans cette diversité de groupes ethniques et de confessions, nous vivons fraternellement tous ensemble.
Ensuite, ce sera la rencontre avec son Église, comme cela se produit partout où il se rend. Ce sera un moment de soutien pour nous tous qui travaillons sur ce territoire, pour l'Église catholique de Macédoine du Nord. Je suis reconnaissant à Sa Sainteté d'avoir accepté cette rencontre avec tous les prêtres. Je voudrais dire quelque chose d’intéressant: lors de cette réunion, il y aura des prêtres de rite latin et de rite byzantin avec leurs proches, car la plupart des prêtres de rite byzantin sont mariés. Par conséquent, le Pape rencontrera également leurs familles. Un des prêtres de rite byzantin offrira d’ailleurs son témoignage en tant que prêtre marié avec une famille et en tant que responsable de sa paroisse et de ses fidèles.
Nous sommes dans un pays où un tiers de la population est de confession musulmane. Le Pape s'est rendu récemment dans les Émirats arabes unis où il a signé un document commun avec l'imam d'Al-Azhar. En 2001, en Macédoine du Nord, il y a eu des moments de forte tension intercommunautaire. Pensez-vous que les démarches interreligieuses entreprises par le Pape puisse avoir des répercussions positives à Skopje?
Vous savez que nous sommes une jeune démocratie, et vous savez également que ces dernières années, il y a eu des situations troubles, un manque de paix. Mais je voudrais également dire que ces moments de confusion ne se sont ici jamais produits pour des raisons liées à la foi. Et ce sont précisément d’ailleurs, les chefs religieux qui ont calmé la situation.
On a pensé qu'il y avait une situation de confusion, de guerre ou d'absence de tranquillité à cause de la présence des différentes religions et des différents groupes ethniques dans le pays, mais je dirais que ce n'est pas vrai. Les relations sont vraiment bonnes. Nous avons mis en place un conseil interreligieux et nous, les chefs religieux, nous nous rencontrons souvent. Quand je leur ai parlés de la visite de Sa Sainteté, tous ont accepté. Ils nous ont apporté leur soutien. Ils ont remercié Dieu parce que le Pape viendra aussi leur rendre visite car avec sa venue, il apportera la paix et la bénédiction à notre pays.
Le temps d’une journée, le monde entier se tournera vers votre pays. Cette visibilité est-elle importante?
Bien sûr. Je considère qu’une chose est très importante: le Pape voudra souligner le fait que Mère Teresa est née à Skopje, en Macédoine du Nord, et que nous sommes porteurs nous aussi de l'esprit de Mère Teresa, c’est-à-dire d'une plus grande sensibilité envers les pauvres. Ensuite, comme petite Église, comme petit État et lieu de naissance de Mère Teresa, cela aura une grande importance également pour le monde et pour tous ces journalistes qui viendront ici.
Et concernant notre petite Église ici, je voudrais également mentionner le fait que, grâce à sa vivacité et au travail des prêtres, l’Église, en plus du magazine publié périodiquement et d’une radio sur le Web, a récemment obtenu une autorisation diffuser en FM pour Radio Maria. Nous sommes très heureux car, au moins pour une région (Strumica, ndlr), nous avons obtenu les fréquences. Les fidèles et tous les hommes de bonne volonté peuvent désormais, à travers ces fréquences, écouter ce qui se passe dans l'Église du monde, ce que dit chaque jour Sa Sainteté, mais aussi l'actualité de l'Église catholique ici en Macédoine du Nord.
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