Église de France: les victimes d’abus appelées à témoigner
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Présidée par Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président honoraire du Conseil d'État - la plus haute juridiction administrative française - et composée de 22 membres, la CIASE est «chargée de faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique depuis 1950, de comprendre les raisons qui ont favorisé la manière dont ont été traitées ces affaires et de faire des préconisations, notamment en évaluant les mesures prises depuis les années 2000». Une mission confiée par la Conférence des évêques de France et la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF), et qui se traduira dans les faits par la remise d’un rapport public, prévu fin 2020.
Écoute des victimes et enquêtes approfondies
«Rien ne pourra changer si la parole n’est pas d’abord donnée aux victimes et aux témoins d’abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables», peut-on lire sur le site de la CEF. Une phase aussi vaste qu’essentielle s’ouvre donc avec le recueil des témoignages de victimes, mineures ou majeures au moment des faits. Elle durera un an. Un numéro de téléphone (00 33 1 80 52 33 55), une adresse mail (victimes@ciase.fr) et une boîte postale, ont été mis en place à cet effet. À la fin de l’entretien téléphonique, les appelants se verront proposer un questionnaire anonyme, qui sera «traité par un institut de sondage et analysé par des chercheurs», d’après Jean-Marc Sauvé. Puis la commission, avec l'appui de chercheurs en sciences sociales, mènera des entretiens semi-directifs (auditions approfondies) auprès de victimes volontaires.
L’objectif de cette démarche inédite, explique le président de la CIASE, est d’«analyser plus finement les relations entre la personne abusée et l'auteur, les réticences à parler, la libération de la parole, les réactions des familles et personnes informées, celles de l'Église catholique, le traitement fait par l'institution ecclésiale, les raisons du recours au droit ou l'absence de recours au droit de la part de la victime».
Parallèlement à cet appel à témoignages, la Commission commence le recensement des archives des diocèses et congrégations religieuses. Ces derniers auront six mois pour renseigner un questionnaire détaillé: nombre de dossiers, type d'auteur, nombre de victimes, suites données... La CIASE entend aussi explorer des archives de la justice (traitements des plaintes) et des archives de presse.
Elle mènera également deux autres études, l’une anthropologique et qualitative à propos des abus commis au sein de l’Église; l’autre sur la prévalence des abus sexuels dans divers milieux de la société française, à partir de données scientifiques, et dans le but de «savoir s’il y a plus d’abus dans l’Église qu’ailleurs».
«La CIASE ne prétend pas guérir le mal qui a été fait, ni se substituer à la justice, aux services médicaux et sociaux ou aux associations oeuvrant, par l’écoute ou le soin, à la prise en charge des victimes et des auteurs d’abus sexuels. Elle est là pour entendre, comprendre, prévenir et proposer, publiquement, de nouvelles voies pour en sortir», précise la CEF. Le recueil des témoignages des victimes revêt toutefois une importance déterminante dans la mission de la Commission. Malgré la forte pression médiatique, Jean-Marc Sauvé aborde cette étape dans la confiance, comme il nous l’explique. Il livre également son regard sur les actions menées par le Pape François en matière de protection des mineurs.
Avec AFP et La Croix
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