Erythrée: le gouvernement veut nationaliser les hôpitaux et dispensaires de l’Église
Manuella Affejee- Cité du Vatican
Le 12 juin dernier, les administrateurs des divers hôpitaux, centres médicaux et dispensaires catholiques ont reçu la visite de fonctionnaires du gouvernement, leur demandant d’en remettre la propriété aux autorités. Devant le refus des responsables, pris de court par une telle démarche, les fonctionnaires ont procédé à la fermeture pure et simple des centres, à l’évacuation immédiate du personnel et des patients, et à la mise sous surveillance des maisons religieuses dont dépendent ces structures.
La tristesse et l’inquiétude des évêques
Devant ces actes d’intimidation dont ils affirment ne pas comprendre le fondement, les évêques expriment leur «tristesse» et leur «amertume». «Comment est-il possible que de tels actes aient lieu dans un État de droit ? Est-ce ainsi que l’État interrompt d’un coup, sans même un geste de reconnaissance, une collaboration que l’Église lui a offerte durant des décennies, pour le bien du peuple et de la nation ?» s’interrogent-ils dans cette missive adressée au la ministre de la Santé, Amna Nurhsein, non sans rappeler que le service de l’homme constitue le cœur de la mission de l’Église, une «obligation» même.
«Une chose est de déclarer que l’État n’a pas besoin des services de l’Église, une autre est d’intimer la remise des propriétés légitimes de l’Église: ce n’est absolument pas juste», assènent les évêques, faisant observer que les structures sanitaires en question se trouvent à l’intérieur des maisons religieuses. Il s’avère impossible de réquisitionner les premières sans violer la liberté et l’espace vital des secondes. «Priver l’Église de ces institutions, c’est attaquer sa propre existence, et exposer ses serviteurs, religieux, religieuses et laïcs à la persécution». En conséquence, l’épiscopat prévient qu’il ne les remettra pas volontairement aux autorités.
L’affaire cause une grande émotion et une vive inquiétude au sein des communautés catholiques du pays, mais aussi parmi la population. Les quelque 40 hôpitaux, centres sanitaires et dispensaires régis par l’Église fournissent en effet des soins gratuits à tous ceux qui en ont besoin, indépendamment de leur ethnie ou de leur appartenance religieuse. Les pauvres et les nécessiteux sont donc les premières victimes de cette décision arbitraire des autorités érythréennes.
Une lettre pastorale trop libre ?
Pour en saisir les ressorts, il faut se reporter à une loi édictée en 1995 qui plaçait toutes les structures sociales, -écoles, centres médicaux-, sous l’administration de l’État. Mais en pratique, elle ne fut jamais appliquée… jusqu’à ces derniers mois. Entre 2017 et 2018, 8 cliniques catholiques ont été contraintes à la fermeture.
Selon plusieurs observateurs, cités par l’agence Fides, il faut comprendre cette décision comme une mesure de rétorsion du régime contre l’Église. Dans une lettre pastorale publiée en avril dernier, les évêques du pays avaient en effet demandé «un processus de réconciliation nationale qui garantisse la justice sociale pour tous». Dans le sillage de l’accord de paix historique conclu avec l’ancienne rivale éthiopienne, l’épiscopat appelait à de profondes réformes afin de soulager la population durement éprouvée par des années de dictature. Des paroles libres, ouvertes au dialogue et sans aucune intention critique, mais qui, semble-t-il, n’ont pas eu l’heur de plaire aux autorités.
(avec Fides)
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