L’Église de France à la manœuvre contre les dérives sectaires
Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican
La cellule chargée des dérives sectaires au sein de l’Église de France a présenté, mercredi 12 juin, un bilan de son travail depuis sa création en 2015.
Quelle est la mission de la cellule dérives sectaires au sein de l’Église de France ?
Mgr Alain Planet: Le rôle de la cellule est d’abord de discerner, d’écouter, d’accompagner les victimes par une thérapie, une procédure canonique ou spirituelle, si nécessaire. Nous avons traités 140 signalements environ, et avons donné suite à 110 d'entre eux. D’autre part, nous alertons les ordinaires, les supérieurs majeurs et les évêques, qui ensuite prennent la relève sous la forme d’une visite canonique, ou parfois dans certains cas, d’un commissariat apostolique.
Quelle est la typologie des cas signalés ?
Tous les signalements sont différents, mais leur matrice commune est qu’un certain nombre de groupes se constituent autour d’une personne. Cette personne peut être un pervers; se crée alors une situation d’emprise spirituelle qui peut prendre diverses formes, mais qui, à la fin, est toujours vécue par la victime comme une destruction d’elle-même. J’ai encore en mémoire la phrase de cette jeune femme qui n’avait subi aucun abus physique, mais avait cette impression d’avoir vécu un viol.
La particularité de ces dérives est souvent que ses fondateurs et animateurs se dispensent d’appliquer le droit de l’Église. Ils se posent en écran entre Dieu et les adeptes. La dérive sectaire suppose une personnalité de type narcissique, généralement de catégorie perverse, c’est-à-dire quelqu’un qui est clivé. Le pervers n’a pas d’émotions particulières, il a besoin de l’autre pour l’assujettir. Il va donc miser sur le désir d’absolu de l’autre et jouer sur les failles pour cliver les personnes à l’image de ses propres clivages, les entraînant ainsi dans son délire. Une injection paradoxale survient alors: tantôt la victime est portée aux nues, tantôt elle est humiliée, à tel point qu’elle devient totalement la possession de celui qui l’a prise en charge, et qui peut d’ailleurs ne pas être nécessairement conscient de ce qu’il fait.
L’usage croissant et quasi généralisé des réseaux sociaux aujourd’hui encourage-t-il la prolifération de ces mouvements sectaires ?
Les réseaux sociaux signent la fin de l’autorité verticale. Ils relèvent d’une autorité circulaire où chacun peut se déclarer maître chez lui, et devenir ainsi un lieu de prospérité pour les pervers. La cellule est sous l’autorité du président de la conférence épiscopale, elle a donc pour but d’alerter les autorités compétentes. Or, dans un système circulaire, ces autorités sont parfois elles-mêmes démunies. Nous travaillons avec des associations de victimes, mais aussi avec la Miviludes, mission interministérielle impliquée dans la veille autour des dérives sectaires. Ce type de cellules n’existe pour l’instant qu’en France.
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