La Guyane française se prépare au Synode sur l'Amazonie
Cyprien Viet et Cristiane Murray (Cité du Vatican)
Le Synode sur l’Amazonie, qui se tiendra en octobre au Vatican, implique huit pays d’Amérique latine mais aussi un territoire français : la Guyane, collectivité d’outre-mer qui est la deuxième région de France en superficie, juste derrière la Nouvelle-Aquitaine. Environ 10 000 Amérindiens y sont recensés, répartis en six ethnies. Cette minorité est confrontée à de nombreuses difficultés, notamment un taux très élevé de suicide des jeunes. Des fractures traversent les différentes couches de la population, entre créoles, métropolitains et autochtones. Un certain malaise social s'était cristallisé lors des manifestations de mars et avril 2017, qui avaient nécessité une intervention du gouvernement français, à quelques jours de l'élection présidentielle.
L'Église catholique tient une responsabilité particulière dans la paix civile. Elle dispose en effet d'un statut particulier car en vertu du décret du roi Charles X, le catholicisme est encore "religion d'État" dans ce territoire, ce qui implique notamment une rémunération des prêtres par la collectivité territoriale. C'est dans ce contexte qu'une assemblée pré-synodale des peuples autochtones de Guyane s’est tenue du 5 au 7 juillet à Awala-Yalimapo, une commune située sur la côte nord-est de ce territoire. Une centaine de personnes ont participé à cette assemblée, réunissant les différentes composantes de la population guyanaise, notamment les amérindiens et Bushinengués, les descendants des esclaves noirs, qui ont émigré du Suriname voisin.
La biodiversité, un enjeu écologique et spirituel
Cette rencontre était présidée par Mgr Emmanuel Lafont, l’évêque de Cayenne. Dans l'esprit de l'encyclique du Pape François Laudato Si', le respect de la biodiversité était au cœur des échanges. Le territoire guyanais est recouvert à 97% par la forêt équatoriale et présente un bon état de préservation, mais certaines menaces comme l'orpaillage fragilisent son écosystème. La question écologique y est étroitement liée à la vie spirituelle des communautés amérindiennes, pour lesquels certains projets d'extraction de l'or peuvent relever du viol d'une terre sacrée.
Notre collègue de la section brésilienne, Cristiane Murray, a recueilli plusieurs témoignages.
Cette réunion pré-synodale a notamment été l’occasion de rassembler des composantes de la société guyanaise qui, habituellement, ne trouvent pas d’espace politique pour se parler.
José Gaillou, ancien responsable politique et économique qui s’est mis au service du diocèse de Cayenne pour l’organisation de cette rencontre, explique que les responsables politiques et économiques doivent mettre «plus de spiritualité» dans leurs décisions. «Ce que représente l’Amazonie est intéressant, parce qu’on dit que c’est le poumon du monde, mais il faut quand même qu’à l’intérieur il y ait eu des personnes qui aient pris soin de l’Amazonie, explique-t-il. Une phrase dit : “Si tu ne sais pas où tu vas, il faut t’arrêter et regarder d’où tu viens”… Regarder le passé, le présent, l’avenir, et comment nous nous engageons ensemble pour protéger cette planète et laisser un monde, peut-être, meilleur pour les générations futures.»
La fraternité entre l’Église et les communautés amérindiennes
«Le peuple demande que l’Église les défende, face à l’orpaillage abusif, à la pollution de l’eau et à le problème des terres. Ils demandent que l’Église les défende pour qu’ils soient vraiment à l’aise là où ils sont, là où ils vivent», explique le père Hervé Clèze Moutaleno, religieux spiritain de nationalité congolaise, curé de Maripasoula. Sa paroisse est située dans la plus grande commune de France, qui couvre une superficie de plus de 18 000 km2 incluant des communautés amérindiennes vis-à-vis desquelles l’Église tente d’assurer un suivi spirituel régulier, malgré les grandes distances, et respectueux du caractère sacré de leur environnement.
Pour Mgr Emmanuel Lafont, «lorsqu’on se rencontre, on découvre que nous sommes frères et sœurs, que notre sang est rouge, que nous avons le même désir d’être bons et de pacifier la terre, et donc nous nous retrouvons sur les valeurs essentielles. Ensuite, pour les mettre en musique, c’est la puissance de Dieu qui peut agir en nous, mais elle agit d’autant plus que nous avons ce désir de cheminer ensemble. C’est vraiment une bonne nouvelle pour moi, pour la Guyane, pour les peuples amérindiens et Bushinengués qui ont été tellement heureux de se retrouver ici, et je pense que c’est un commencement qui est très fructueux et très prometteur. Je rends grâce à Dieu et à son Esprit Saint», conclut l’évêque de Cayenne, qui espère se rendre au Synode sur l’Amazonie avec plusieurs représentants des peuples de Guyane française.
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