Inquiétudes de l’Église sur l’ouverture de la PMA pour toutes
Avec cette ouverture de la PMA pour toutes, «le curseur franchit un point de non-retour», écrit le groupe de travail dans cette note, puisqu’elle introduit une «conception du droit et des liens à établir entre les êtres humains» en «rupture radicale» avec celle qui prévalait dans le textes de 1994.
L’absence de père
Le groupe s’inquiète de l’absence du père: «Comment continuer à affirmer que ‘tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits’, si le droit institue ab initio l’impossibilité d’avoir un père ?» Pour eux, «supprimer l’ascendance paternelle est une ‘atteinte à la filiation’ », écrivent ses membres, reprenant l’expression de la philosophe Sylviane Agacinski dans son ouvrage «Le tiers-corps» publié chez Seuil.
Concernant l’établissement de la filiation «par déclaration anticipée volontaire» devant un notaire, cela permettra de considérer l’enfant comme fils ou fille de deux «mères» sans distinction, selon le droit. Ils soulignent un «travestissement juridique de la vérité», et le fait qu’alors «le lien gestationnel ne mérite(rait) aucune considération». Les évêques se demandent dès lors comment l’argument de la violence faite aux femmes dans la gestation pour autrui en raison de la blessure de ce lien pourra être soutenu. De plus, avancent-ils, s’il y a égalité entre les «modes de filiation» comment refuser le mode de la GPA. Un refus manifesterait que tous les modes ne sont pas égaux; une «contradiction dans le droit».
Volonté des adultes ; quels droits pour l’enfant
Le groupe de travail Église et Bioéthique souligne également dans cette note «une soumission à la puissance de la volonté». «Le projet de loi entend fonder le lien de filiation sur la volonté des adultes», bien que l’enfant soit «une personne». Ils interrogent la notion juridique de «projet parental» qui laissent entendre que le «droit de puissance sur les enfants » serait de retour prévalent «au respect des droits de l’enfant». N’assiste-t-on pas à une régression, se demandent les évêques.
Un paradoxe est soulevé. «D’un côté, la volonté de substituer au réel corporel et charnel, tandis que d’un autre côté le lien charnel reprend ses droits par la quête des origines et le souhait de connaître l’identité du tiers-donneurs». Ce paradoxe, invite à penser une vision cohérente de l’être humain dont le corps et l’esprit sont indissociables, écrivent-ils.
Concernant la possible levée de l’anonymat, elle ne compensera pas l’absence de père; renforcera peut-être le désir de cet enfant, devenu homme, de voir dans le tiers donneur un père. La loi le lui interdira. L’enfant dépendra également de la volonté du donneur de se faire connaître ou non. Certains enfants nés avec tiers donneurs pourront à leur majorité connaitre leur donneur, d’autres non. «Comment gérer cette discrimination ?»
Gratuité, eugénisme, médecine
Avec l’ouverture de la PMA à toutes, comment la France trouvera suffisamment de donneurs de sperme? Il est rappelé dans ce document le principe de gratuité des éléments et produits du corps humain, «une ligne rouge à ne pas franchir sous peine de ne plus pouvoir parler de la pleine dignité de tout être humain et du respect qui lui est du».
Les évêques se soucient également de possibles dérives eugénistes. «Si le désir devenait peu à peu la seule source de notre droit», comment l’éviter? Ils recommandent d’encadrer le projet parental pour éviter que des couples exigent un enfant selon des critères. Il faudrait également encadrer la possibilité accrue du dépistage génétique prénatal. Comment prôner une société inclusive, lorsque l’on exclue dès le départ? Ils mettent également en garde contre la modification des embryons humains, et soulignent les risques impliqués par un double dons de gamètes, pour l’instant interdit en France.
Enfin, si le Conseil d’État note l’émergence de nouvelles attentes vis-à-vis de la médecine. Qu’en faire? «Que devient la médecine si elle n’est plus appelée à guérir des pathologies ou à accompagner des malades chroniques ? Sommée de réaliser les désirs de personnes non malades, jusqu’où sera-t-elle conviée à agir ?». Le groupe de travail se demande quels critères permettront d’arbitrer les priorités de dépense, si le critère pathologique n’est plus déterminant; et comment faire pour que soit maintenu un critère de justice d’accès au soin en considérant d’abord ceux et celles qui sont atteints d’une réelle pathologie.
Ce groupe de travail est composé de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, Mgr Bozo, archevêque de Limoges, Mgr de Germay, archevêque d’Ajaccio, Mgr Josselin, archevêque d’Angoulême, Mgr Jordy, archevêque de Saint-Claude, Mgr Rougé, évêque de Nanterre, ainsi que du père de Malherbe du Collège des Bernardins et du père Saintôt du Centre Sèvres.
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