Un membre de la Garde national observe un groupe de migrants qui vient de passer à El Paso Un membre de la Garde national observe un groupe de migrants qui vient de passer à El Paso 

Mexique : le pouvoir accusé par l'Église de brader la dignité des migrants

En signant un accord migratoire avec les États-Unis, le Mexique s’est «soumis» à la volonté de son voisin du nord, déplorent les évêques dans un message publié cette semaine. Ils dénoncent le déploiement de la Garde nationale aux frontières, et condamnent les actes d’hostilité contre les structures d’accueil des migrants dont ils défendent aujourd'hui haut et fort la dignité.

Marie Duhamel avec Sir – Cité du Vatican

«La dignité des migrants, personnes et fils de Dieu, a été bradée pour un plat de lentilles» ; le ‘J’accuse’ des évêques mexicains. Dans une note publiée le 23 juillet dernier, les responsables de la pastorale de migrants estiment que le Mexique, «privé d’une politique migratoire efficace qui soit sienne», s’est «soumis aux critères et aux exigences du gouvernement américain, en acceptant de mélanger le business avec le droit et la nécessité de migrer à la recherche d’une vie meilleure».

L’inefficacité d’un mur

Dans cette note, Mgr José Guadalupe Torres Campos, l’évêque de Ciudad Juárez, et Mgr Alfonso Miranda Guardiola, évêque auxiliaire de Monterrey, évoquent l’exhortation du Pape François à accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants.

«Un mur ne se contente pas de protéger, il isole et empêche la rencontre avec l’autre; l’ériger signifie se laisser prendre par la crainte et l’incertitude. Les murs ne se construisent pas seulement avec des pierres et des briques, mais également avec des comportements négatifs, comme le déploiement de milliers d’agents de la Garde nationale à la frontière

Selon l’accord ratifié avec les États-Unis, le Mexique s’est engagé à freiner les flux migratoires en provenance d’Amérique centrale. Au total, plus de 23 000 éléments des forces de l'ordre sont actuellement déployés à travers tout le pays.

La construction d’un mur réel ou symbolique «n’affronte pas la racine et les véritables causes du phénomène migratoire». La solution, pour eux, semble évidente. Il faut lutter contre la pauvreté et les inégalités au Mexique et en Amérique centrale. Or ce combat «semble avoir été substitué par la peur de l’autre, qui est notre frère».

Privilégier la dignité    

Les évêques mexicains rappellent que la dignité et la souveraineté de la nation, ainsi que la dignité et les droits humains des migrants, passent «avant n’importe quels pourparlers». L’Église et la société civile ont toujours mis en avant le fait que les migrants «ne doivent pas être considérés comme des criminels», tout comme d’ailleurs les défenseurs des droits de l’homme, qui luttent en faveur de la dignité humaine, «à contre-courant et courant des risques importants pour leur sécurité et même leur vie».

Par conséquent, bien que consciente de la «légitimité et de la nécessité d’éviter l’imposition de taxes sur les produits mexicains», l’Église estime que cela «ne peut advenir aux dépens de la souveraineté nationale, de la dignité et du respect des droits humains des migrants, de la solidarité entre les peuples et du travail pour le bien commun des pays.»

Aller à la racine du phénomène migratoire

Les déplacements de populations internes ou les migrations de personnes d’un pays à un autre sont dus à la faim, à la pauvreté, à la violence et au manque de perspectives. Les évêques défendent «la création de postes de travail et la reconstruction du tissu social» dans les pays d’origine. Ils plaident pour la mise en place d’une politique migratoire «juste» et dans le même temps régulée, ordonnée et responsable qui consente à la libre circulation des personnes.

Actuellement, soulignent-ils, des milliers de migrants, ayant fui la violence ou la misère, attendent de pouvoir immigrer aux États-Unis, certains d’entre eux sont détenus et déportés au Mexique en vertu d’un programme unilatéral américain, «Reste au Mexique». C’est dans ce contexte que des milliers de centraméricains qui espèrent trouver une solution à leurs problèmes, se retrouvent avec «un bracelet électrique, limités dans leurs déplacements», exposés à de graves dangers.

Actes d’hostilité

Dans le même temps, des maisons d’accueil pour migrants, les centres pour les droits humains et des individus mexicains répondent à l’appel du Pape. Ils font d’ailleurs parfois, à ce titre, l’objet d’actes d’hostilité. «On les criminalise. Leurs tentatives d’apporter de l’aide et de la protection aux migrants sont entravées», rapportent les évêques qui citent des faits d’agressions récents à Agua Prieta, Saltillo, Ciudad Juárez et Chihuahua.

Les évêques rassemblent enfin leur pensée dans cette note, en listant cinq éléments de préoccupations, qui sont «la défense de la dignité et des droits humains des migrants» ; «l’aspect inhumain» des rafles et des détentions massives avec le «risque grave» de séparer des familles; la menace de déportations de masse de migrants depuis plusieurs villes américaines au Mexique et «la terreur psychologique» dans laquelle vivent les migrants aux États-Unis; la soumission du gouvernement mexicain avec ces changements de politique migratoire; l’insistance des forces de l’ordre pour demander des informations personnelles et confidentielles sur les migrants aux centres qui les accueillent. Autant de sujets sur lesquels ils promettent de rester vigilants, sans avoir besoin de le dire.

 

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25 juillet 2019, 18:10