Le dialogue entre Églises polonaise et ukrainienne à l’épreuve de l’Histoire
Delphine Allaire – Cité du Vatican
C’est d’abord à l’initiative de saint Jean-Paul II, en octobre 1987, près de dix ans après son accession au trône de Pierre, que se tiennent à Rome deux rencontres entre hauts responsables des Eglises catholique romaine polonaise et gréco-catholique ukrainienne, afin de préparer le millénaire du baptême de saint Vladimir (988-1988).
Ce jubilé représente alors pour les chrétiens d'URSS l'occasion d'un approfondissement de leur foi, tandis que les manifestations prévues réveilleront dans l'opinion publique l'intérêt pour une Église trop souvent humiliée.
Le cardinal Jozef Glemp (1929-2013), alors archevêque de Varsovie, y souligne la nécessité du pardon et de la réconciliation entre les deux Églises.
Le cardinal Myrosław Lubacziwski (1914-2000), chef de l'Église catholique grecque ukrainienne, rappelait quant à lui qu'il ne fallait pas oublier que le régime communiste «agressif et criminel», voulait détruire non seulement la religion, mais était aussi responsables de la mauvaise relation entre les deux Églises, polonaise et ukrainienne.
Le millénaire du baptême de saint Vladimir a été la première célébration religieuse publique dans un pays dépendant de l’URSS. Les évêques catholiques de Pologne, un pays qui vivait alors encore sous influence soviétique, ont fait preuve d’un grand courage en s’associant à cet événement.
Jean-Paul II en Ukraine
Le pèlerinage de Jean-Paul II en Ukraine en juin 2001 a ensuite marqué une avancée décisive dans le processus de réconciliation entre la Pologne et l'Ukraine.
«Nous reconnaissons qu'au cours du siècle dernier l'histoire de notre Église a également connu des moments sombres et spirituellement tragiques. Il est arrivé que des fils et des filles de l’Église grecque catholique ukrainienne aient fait du mal, malheureusement consciemment et volontairement, avec leurs semblables de leur pays et d’autres pays. En votre présence, Saint Père, et au nom de l'Église grecque catholique ukrainienne, je voudrais demander pardon», avait alors déclaré le cardinal ukrainien, Lubomyr Husar (1933-2017), primat de l'Église grecque-catholique ukrainienne de 2001 à 2011.
En juin 2003, dans une lettre, les évêques grecs catholiques d'Ukraine ont réitéré cet appel à la réconciliation. Les 7 et 8 août 2004, à l’initiative du cardinal Husar s’est tenu le "Pèlerinage de l'amour et de la réconciliation" au sanctuaire marial de Zarwanica, en Ukraine. 200 000 jeunes Ukrainiens et Polonais y ont participé.
Acte de réconciliation des évêques de Pologne et d'Ukraine
Le 19 juin 2005, sur la place Piłsudski à Varsovie - immédiatement après la révolution orange en Ukraine - un acte spectaculaire de réconciliation a eu lieu. Après avoir confessé la foi, l'archevêque Józef Michalik et le cardinal Lubomyr Huzar ont récité une prière de réconciliation, admettant «une douleur indicible».
Ils ont demandé aux «frères et sœurs des deux nations» de «se pardonner mutuellement» entre eux.
C'est à l'occasion de cet acte de pardon et de réconciliation que les hiérarques des deux pays ont publié une lettre commune en 2005, parue simultanément à Varsovie et à Lviv en Ukraine. Evoquant le message de 1965, les évêques polonais et ukrainiens ont écrit: «Levons-nous au-dessus des conceptions politiques et du passé, des rituels de notre Église et même de notre nationalité - ukrainienne et polonaise. Surtout, souvenons-nous que nous sommes les enfants de Dieu. Tournons-nous vers notre Père: pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.».
À Jasna Gora, au sanctuaire de la Madone noire, une nouvelle étape sera donc franchie ce 27 août. Des relations ecclésiales polono-ukrainiennes, qui ne cessent de se renforcer, malgré un contexte social sous tension au sujet des migrants ukrainiens arrivant en Pologne.
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