En Haïti, la pénurie de carburants accentue le chaos
Manuella Affejee- Cité du Vatican
L’appel à la grève générale lancé sur les réseaux sociaux a été largement suivi ; dans les principales villes de l’ile, les commerces ont gardé leurs rideaux baissés, des barrages de pneus enflammés ont jalonné les rues désertées. On signale également l'incendie d'un centre commercial dans le centre-ville de Port-au-Prince, ainsi que plusieurs échauffourées.
Depuis 4 semaines, les stations-essence ont arrêté toute distribution, faute de stocks disponibles ; dans certaines d’entre elles, l’approvisionnement des automobilistes a viré à l’affrontement général. Cette situation extrême touche de plein fouet nombre d’Haïtiens dépendant de leur voiture pour aller travailler et donc, subvenir aux besoins de leur famille. Les rues d’ordinaire embouteillées de la capitale sont maintenant remplies de piétons portant à la main un gallon jaune, devenu le symbole de la pénurie. La seule option reste le marché noir, où l’essence est vendue 3 à 4 fois le prix normal… impensable pour la grande majorité de la population aux prises avec une extrême pauvreté.
Une crise qui se superpose à une autre
Exaspérés, les Haïtiens interpellent le gouvernement et l’incitent à réagir. Celui-ci promet l’arrivée de 4 cargaisons d’ici à la fin du mois, mais sa promesse suscite une grande perplexité ; il faut dire que les relations entre le pouvoir et le peuple sont marqués du sceau de la défiance. Depuis plus d’un an, des manifestations appellent régulièrement à la démission du président Jovenel Moïse, empêtré dans un scandale de corruption.
Les évêques du pays ne cachent pas leur inquiétude. Dans un message parvenu à l’agence SIR, ils annoncent une réunion lundi prochain pour évoquer une fois encore la situation dramatique de l’ile caribéenne.
"Situation inhumaine"
Une situation par ailleurs longuement décrite dans une note émanant de la Province des jésuites de Haïti. Ils y évoquent la «fatigue» du peuple devant l’absence de leadership et l’augmentation de 150 à 200% du prix des carburants. En pratique, le pays est totalement bloqué, les indices de sécurité sociale et sanitaire sont en baisse, et de nombreuses écoles restent fermées. «Le président est toujours au pouvoir mais le soutien des Américains n’est pas suffisant pour lui», assènent-ils très librement. «Il devra nommer un nouveau Premier ministre et former un gouvernement d’unité nationale, sur la base inévitable d’un accord politique avec les divers acteurs nationaux. Ce nouveau gouvernement devra parler moins, communiquer plus, agir rapidement et efficacement pour améliorer immédiatement les conditions d’une population qui vit une situation inhumaine».
(avec agence Sir)
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