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Des jeunes lors de la cérémonie d'ouverture à Antananarivo, à l'arrivée du Pape - le 6 septembre 2019 Des jeunes lors de la cérémonie d'ouverture à Antananarivo, à l'arrivée du Pape - le 6 septembre 2019 

Mgr Ramaroson: «Notre pays est pauvre de gens honnêtes»

En charge de l'éducation catholique au sein de l'épiscopat malgache, l’évêque d’Antsiranana espère que François sèmera l’espérance auprès des jeunes qu'il rencontrera ce soir. Les moins de 18 ans représentent plus de 53% de la population et se trouvent désœuvrés, avec ou sans diplôme. Mgr Benjamin Ramaroson souhaite également que les paroles du Pape poussent les Malgaches à un changement de mentalité afin que le pays, rongé par la corruption, puisse vivre selon l'Évangile.

Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican

La dernière visite d’un Souverain Pontife à Madagascar, celle de Jean-Paul II, remonte à trente ans. Autant dire que la venue de François suscite l’effervescence dans la Grande île. Des dizaines de milliers de Malgaches ont fait des heures de taxi-brousse et parfois même de marche pour rejoindre la capitale et recevoir la bénédiction du Pape. Sa simple arrivée ce vendredi a provoqué des scènes de liesse. 

En préparation à sa venue, depuis plusieurs semaines, les fidèles récitaient une prière à la fin de chaque messe et dans toutes les paroisses des 22 diocèses du pays. Des catéchèses ont été proposées. Les évêques ont insisté pour que cette visite papale soit un évènement spirituel.

Dans ce pays pauvres où les trois quarts des habitants vivent avec moins de deux dollars par jour et où l’analphabétisme touche 40% des adultes, l’Église est très engagée dans les secteurs de l’éducation ou de la santé. Elle y est respectée et estimée par les autorités et les responsables d’autres confessions. 

Les défis sont nombreux et le Pape vient aujourd’hui en «semeur de paix et d’espérance». Mgr Benjamin Ramaroson est l’évêque du diocèse d’Antsiranana dans le nord de Madagascar. 

Entretien avec Mgr Ramaroson, évêque du diocèse d’Antsiranana

Le Pape François «semeur de paix et d’espérance». Nous attendons un message fort de la part du Saint-Père, destiné à tous les Malgaches qui sont vraiment fatigués, un peu désespérés, et qui s’enfoncent malheureusement chaque jour dans la pauvreté. Il faut le reconnaître que le nouveau gouvernement essaie de tout faire pour sortir le pays de ce marasme.

Cette visite (du Pape) donnera un nouvel élan, car tout le monde le sait: ce ne sont pas les richesses humaines et naturelles qui manquent à Madagascar, mais notre pays est pauvre de personnes honnêtes. La corruption ronge le pays à tous les échelons. Nous espérons donc, après ce voyage, que des responsables prennent conscience et que, nous, nous ne devenions pas seulement des nationalistes, mais de vrais patriotes qui se donnent pour le pays.

Ce qui est triste, et il faut le dire, c’est que la majorité de nos responsables sont des baptisés chrétiens. Il faudra donc que nous approfondissions un peu plus la place de la foi dans notre vie.

Avec la venue du Pape, vous espérez donc un réveil des consciences ?

Je l’espère fortement parce que les évêques, même les autres responsables d’églises, le répètent souvent. Peut-être va-t-on nous dire qu’on prêche dans le désert, mais quand c’est une autre voix qui le dit clairement… Et c’est un des talents du Pape François de dire les choses clairement. Cela va sûrement frapper ceux qui l’écoutent et probablement faire changer les comportements, parce que c’est cela que nous devons attendre de chacun d’entre nous: un changement de comportement, au niveau de l’État, de la société civile et aussi de l’Église. Il faut dire la vérité.

Vous soulignez des incohérences, la nécessité d’une conversion. Dans quel état se trouve le cœur des Malgaches ?

Voilà ce qui se passe: nos églises sont bien remplies tous les dimanches, et pas seulement les églises catholiques, toutes les églises chrétiennes. Si ces gens qui remplissent nos églises vivent leur foi au quotidien, le pays ne serait pas ce qu’il est actuellement. Cela exige une conversion à tous les échelons, à commencer par nous, les responsables d’Églises. Nous devons vivre notre foi dans la vérité, l’honnêteté et la charité chrétienne. Alors ce sera un pays qui se développera dans le sens de l’Évangile, dans la charité, la paix chrétienne et le développement intégral de tous les hommes, ce dont parle l’encyclique Laudato si’.

A Madagascar, plus de 53% de la population a moins de 18 ans, c’est dire l’importance du catéchisme et de l’éducation à l’honnêteté. Qu’attendez-vous de l’intervention auprès des jeunes ce samedi ?

Je pense que le Pape exhortera les jeunes à bien préparer la vie et à profiter de l’éducation pour devenir responsables. C’est l’éducation qui préparera le pays . Sans une bonne éducation, il ne peut pas y avoir un vrai développement, stable et intégral, ainsi qu’une bonne évangélisation, bien enracinée.

3000 fidèles de votre diocèse ont fait le déplacement jusqu’Antananarivo, dont de nombreux jeunes qui veulent rencontrer le Pape. Comment le perçoivent-ils ? Pourquoi souhaitent-ils prendre part à la veillée de ce samedi soir ?

C’est une rencontre entre un grand frère et ses petits frères. Car c’est comme cela qu’ils perçoivent le Pape. Ils ne le voient pas comme un vieux, mais comme quelqu’un qui les accompagne et connaît leurs problèmes. Ce qui les frappe, c’est que la parole du Pape va directement à leurs cœurs. C’est cela qu’attendent les jeunes malgaches, qui sont un peu désespérés en regardant l’avenir. Les jeunes sont un peu désœuvrés et, avec le Pape, il se sentent en sécurité et c’est ce dont il dont besoin pour préparer aujourd’hui même leur avenir, pour qu’ils puissent aller de l’avant.

La stabilité est la condition du développement mais cela nécessite un effort collectif. Le Pape arrive-t-il dans un pays tout entier attentif à ses propos ?

Je pense, oui, que c’est vraiment le moment favorable. Il y a un élan presque populaire, et pas seulement catholique mais de toutes les religions. Par exemple, nos frères musulmans ont préparé cette visite à leur niveau. Ils seront présents, et même une partie du terrain qui servira à l’Eucharistie et à l’accueil du Pape dimanche appartient à un musulman qui l’a prêté à l’Église. Tout cela pour vous faire comprendre qu’il y a une atmosphère qui serait – je mets au conditionnel pour dire que je ne peux être sûr à 100% - une ambiance de fraternité qui est prête à écouter le message du Pape. 

 

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07 septembre 2019, 09:35