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Des camions bloquent la circulation à Quito, capitale de l'Équateur, le 7 octobre 2019. Des camions bloquent la circulation à Quito, capitale de l'Équateur, le 7 octobre 2019. 

Conflit social en Équateur: les évêques appellent au dialogue

Depuis mercredi 1er octobre, les manifestations perdurent en Équateur. L’ire populaire est née de la décision du gouvernement de mettre fin aux subventions des carburants, entrainant une forte hausse des prix à la pompe et de biens de consommations divers. Après la vague contestataire menée par les chauffeurs et taxis, d'autres secteurs restent mobilisés et le climat social demeure très tendu. La Conférence épiscopale équatorienne a lancé vendredi un appel «à la paix, la justice et au dialogue».

Cécile Mérieux - Cité du Vatican

Ces derniers jours, la colère populaire s’exprime dans les rues de différentes villes d’Équateur, donnant lieu à de violents affrontements entre manifestants et forces de police, à des agressions et à des actes de vandalisme.

La décision du Président Lenín Moreno, d’éliminer les aides d’Etat sur les carburants, a provoqué en premier lieu la grève et la protestation des travailleurs des transports. Les chauffeurs de taxi et de bus ont érigé des barricades utilisant leurs propres véhicules pour bloquer les principales avenues de Quito et d’autres grandes villes. Puis la protestation a pris de l’ampleur, étudiants et syndicalistes de divers secteurs ont rejoint la mobilisation et participé à la paralysie du pays.

Appel à la paix

 «La violence, sous toutes ses formes, empêche toute vision objective de la réalité et compromet gravement le maintien des droits sur lesquels nous devons veiller avec tant d’attention.» La déclaration des évêques équatoriens survient dans un climat de très fortes tensions et de désordre.

Des centaines de manifestants ont été interpelés pour des cas de violences, actes de vandalisme et pillage de pharmacies, commerces et magasins d’électroménagers. D’autres ont été arrêtés pour avoir endommagé du matériel public dont un commissariat et une douzaine de voitures de police incendiés. Les affrontements ont fait une victime, renversée par un véhicule.

Le mouvement social était tel que jeudi 3 octobre, le président équatorien Lenín Moreno, a déclaré l’état d’urgence sur tout le territoire, permettant de mobiliser l'armée et la police pour assurer l'ordre public, de suspendre certains droits comme celui de la libre circulation ou d'imposer la censure aux médias.

«Nous sommes en train de réussir à rétablir l’ordre public et la paix sociale, se réjouissait  Oswaldo Jarrin, ministre de la Défense. Nous avons fait baisser l’intensité de l’agression et la violence », dit-il, alertant la population, en prise selon lui à la manipulation «d'agitateurs sociaux».

L’instauration de l’état d’exception n’a pas empêché la poursuite de manifestations antigouvernementales quotidiennes auxquelles participent paysans, étudiants et opposants politiques. La Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie) est aussi vent debout. Dans un communiqué, elle a déclaré l’instauration d’ «un état d’exception dans tous les territoires indigènes» prévenant que les militaires et les policiers qui s’approcheraient des territoires indigènes seraient capturés.

Appel à la justice

«La promotion de la justice sociale doit être au centre de toutes les décisions, soulignent les évêques, afin que chaque Équatorien ait les conditions nécessaires pour vivre dignement. La compensation sociale doit favoriser les plus pauvres.»

La décision impopulaire du président a pour but la réduction du déficit budgétaire du pays, plongé dans un grave ralentissement économique et à un endettement galopant. La suppression de la subvention du carburant permettra au gouvernement de récupérer environ 2 milliards d’euros par an. Cependant, cette réforme fiscale aura des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des populations les plus pauvre, tant dans leur moyen de mobilité que dans leur accès aux produits de consommation divers.

En outre, l'épiscopat rappelle les devoirs de l’État envers son peuple et condamne le détournement de fonds étatiques alloués à d’autres objets que leurs destinataires légitimes : «La justice sociale exige des pouvoirs étatiques la récupération des biens du peuple, usurpés par des moyens frauduleux, pour les investir dans l’éducation, la santé, la sécurité, le logement» réclame la Conférence.

Appel au dialogue

Les taxis et chauffeurs routiers ont mis fin à leur grève après l’arrestation de leaders de la mobilisation et la décision du gouvernement d’autoriser des hausses de tarifs de leurs services. Mais d’autres secteurs demeurent mobilisés.

Au soir d’une journée de chaos, jeudi 3 octobre, le président Moreno s’est adressé aux Equatoriens dans un discours télévisé, affirmant avec aplomb le maintien de sa politique de réforme : «Il n’y a aucune possibilité de revenir sur l’annulation des subventions perverses sur les carburants qui depuis 40 ans nuisent au pays et distorsionnent notre économie».

Il a aussi accusé le mouvement et ses opposants qui attisent la colère du peuple de vouloir déstabiliser le gouvernement : «Les chauffeurs n’ont pas été sérieux, a-t-il déclaré, ce qui nous fait supposer que leur objectif n’est pas d’obtenir des tarifs plus élevés mais bien de renverser un gouvernement légitimement constitué ». Malgré l’animosité exacerbée entre le gouvernement et l’opposition, la Conférence épiscopale encourage les responsables de chaque camp à prendre «l’engagement de rechercher le bien commun au-delà du leur».

Enfin, les évêques assurent leur soutien à la population équatorienne, tant dans leurs besoins matériels  que par leur prière pour l’avènement d’un «Équateur pacifique, juste et équitable, doté de pain et de travail pour tous».

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07 octobre 2019, 18:19