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Ville de Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest et du département du Mezam, en pleine zone de conflit - novembre 2017 Ville de Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest et du département du Mezam, en pleine zone de conflit - novembre 2017 

Violences renouvelées au nord du Cameroun: l'Église appelle au dialogue

La violence se déchaîne toujours dans les provinces anglophones du Cameroun. Bien que les affrontements aient cessé dans certaines zones, le niveau de tension demeure extrêmement élevé. Les forces de l'ordre de Yaoundé ont instauré un système de répression qui étouffe la population. Les milices séparatistes réagissent avec la même dureté: œil pour œil, dent pour dent. Et les civils sont les premières victimes de cette application de la loi du Talion.

«Ces derniers jours, à Bambui (dans la province du Nord-Ouest), de nombreuses maisons ont été incendiées et des affrontements armés ont eu lieu quotidiennement. Certaines personnes ont été tuées. Les patrouilles de la police effraient la population, en particulier les personnes âgées qui n'ont jamais connu une telle atmosphère de tension», explique un religieux camerounais qui souhaite rester anonyme par crainte des représailles.

Un conflit qui dure

Le conflit a démarré en 2016. À l'époque, le président Paul Biya déclare vouloir transférer certains enseignants francophones dans des écoles anglophones. Cette disposition suscite de violents affrontements entre les autorités et les milices réclamant l'indépendance des provinces anglophones. En effet, la minorité anglophone, répartie dans deux régions sur les dix que compte le Cameroun, se met à violemment protester contre ce qu'elle appelle sa «marginalisation» dans la société. Elle réclame l’utilisation de la langue anglaise, au lieu de la langue française, à l'école et devant les tribunaux.

Selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch, le conflit a déjà causé la mort de 1 800 personnes. Plus d’un demi-million d’individus ont été déplacés, 35 000 se sont réfugiés au Nigéria.

La population craint la police, mais aussi les milices séparatistes. «Ces derniers mois, de nombreux prêtres ont été kidnappés, nous apprend ce même religieux camerounais. Ceci a contraint Andrew Nkea Fuanya, évêque de Mamfe, à fermer trois paroisses de son diocèse. Quant à George Nkuo, évêque de Kumbo, il a été kidnappé. Des autorités civiles et religieuses sont enlevés tous les jours pour être libérées contre rançon. Il faut cependant préciser qu'une grande partie de la population préfère les miliciens à la police».

Un débat national qui n’a pas désamorcé le conflit

Au mois d’octobre, un Grand débat national a été convoqué par le président camerounais Paul Biya, en vue de trouver une issue à la crise que traverse le pays. Les responsables religieux ont participé au dialogue en remettant  au Premier ministre Joseph Dion Ngute un rapport de 400 pages, fruit d’un questionnaire adressé aux habitants de la région anglophone du Cameroun. Les ressorts de la crise y ont été analysés, et des solutions proposées.

En conclusion du débat, les participants ont recommandé d’instaurer une plus grande décentralisation qui garantisse davantage d’autonomie aux régions anglophones. Mgr Abraham Kome, évêque de Bafang et président de la conférence épiscopale du Cameroun, s’est déclaré satisfait des discussions et des conclusions qui en ont été tirées. «Nous avons été particulièrement sensibles au fait que le Saint-Père a fait de ce dialogue une préoccupation spirituelle», a-t-il déclaré.

Aujourd’hui, l’Église semble moins optimiste. Les tensions bloquent la vie sociale et économique du pays. «Les affrontements qui se poursuivent, poursuit le religieux, rendent les activités de la société civile impossibles. Les difficultés augmentent dans le domaine économique. La majorité des entreprises ont cessé de fonctionner. La population vit de l'agriculture, mais cultiver les champs devient compliqué, beaucoup de paysans ont été tués alors qu'ils travaillaient».

Un appel au dialogue renouvelé

Les élections présidentielle et législatives de 2020 vont-elles changer la situation? Le scepticisme règne: «Certains partis politiques, tels que le Front social-démocrate qui est la principale formation de l'opposition, se sont retirés», affirme encore le religieux camerounais. «Nous craignons la fraude lors des élections, nous craignons également une explosion de violence. L'Église catholique continue d’affirmer que la violence ne peut pas conduire à un dénouement positif. Les évêques demandent l'ouverture d'un dialogue inclusif auquel participent les deux parties. Face aux menaces constantes, en particulier de la part des séparatistes, l’Église catholique tente de se rapprocher des jeunes afin de leur enseigner les valeurs de la vie».

(Avec l’Agence Fides)

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26 novembre 2019, 17:10