Projet de loi bioéthique: le triple avertissement des évêques de France
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
En France, les prochaines semaines s’annoncent décisives en ce qui concerne le projet de loi bioéthique. Après avoir été voté à l’Assemblée nationale en octobre dernier et examiné en commission spéciale au Sénat la semaine dernière, ce projet de loi sera débattu en séance publique à partir du 21 janvier.
Mettre au premier plan la dignité de l’enfant
Le texte modifié à huis clos par les sénateurs continue de susciter l’inquiétude de l’épiscopat français. Dans sa déclaration, le conseil permanent de la CEF se concentre sur trois points susceptibles d’engager «encore davantage notre société française dans des contradictions insolubles. S’ils étaient adoptés définitivement, ils témoigneraient d’une grave méprise quant à ce qu’est l’éthique, méprise qui, si elle n’était pas clarifiée, serait de l’ordre de l’insouciance pour l’avenir», expliquent les évêques.
Ceux-ci remettent d’abord en cause la notion de «projet parental», auquel la loi soumettrait l’engendrement par Procréation Médicalement Assistée (PMA) d’un nouvel être humain. «Le pouvoir ainsi reconnu aux parents ne risque-t-il pas de devenir absolu? Comment le projet de loi va-t-il exprimer la pleine reconnaissance du droit de l’enfant qui est une «personne»?», interroge le conseil permanent de la CEF, qui redoute une insuffisante prise en compte «de la dignité de l’enfant». «Le respect de l’enfant devrait être la considération première», insiste-t-il.
Une liberté démocratique en danger
Les évêques français déplorent ensuite l’impossibilité de recourir à l’objection de conscience «pour ceux et celles, les notaires par exemple, qui se refuseraient, en conscience, à être engagés malgré eux dans la réalisation de cet “invraisemblable”». Le projet de loi légaliserait en effet la filiation sans père ni ascendance paternelle et de la maternité par simple déclaration de volonté, devant le notaire, «sans que la femme vive la gestation». L’épiscopat dénonce un «engrenage» dans lequel est entrainé la société, alors même que la République française «est basée sur le respect de la conscience». D’où cette interpellation: «Sans une telle expression dans la loi du respect de la conscience de chacun, n’irions-nous pas vers la mise en place d’une police de la pensée, contraire à notre liberté démocratique?».
Le risque de l’eugénisme
Enfin, le conseil permanent de la CEF met en garde contre un «“eugénisme libéral”, dépendant de la décision des parents potentiels ou du parent potentiel», en raison de l’extension du diagnostic pré-implantatoire. Cette démarche ouvrirait la voie «à une sélection accrue des enfants à naître, sélection que notre pays professe pourtant de refuser en souhaitant une société inclusive», notent les évêques, qui ont été interpellés par des parents d’enfants handicapés «sur la “déshumanisation” que produirait un tel tri sélectif». «Vouloir l’enfant sans aucun variant génétique est non seulement une illusion, mais ce serait aussi “déshumaniser” notre humanité !», peut-on lire.
La CEF pointe finalement «la fuite en avant dans laquelle sont prises nos sociétés occidentales […]: les désirs individuels y sont exacerbés par l’apparente satisfaction que la conjonction des techniques médicales et juridiques semble promettre». Les évêques terminent leur message par une touche d’espoir, en remerciant ceux «qui prennent au sérieux les enjeux de la loi en discussion», en saluant «les parlementaires qui travaillent à mettre de la lucidité et du bon sens éthique à propos de l’humain dans le texte de la loi». Ils encouragent aussi «les citoyens inquiets à faire connaître leurs réserves et à exprimer leurs points de vue», alors qu’une nouvelle manifestation contre le projet de loi est prévue à Paris ce dimanche 19 janvier.
«Nous redisons que tout enfant humain est appelé à grandir dans le déploiement de sa liberté et dans le respect de sa dignité, en communion avec tous les autres, et cela tout au long de sa vie, quelle que soit son origine ethnique ou sociale, sa religion ou son absence de religion et son orientation sexuelle», concluent-ils.
L’examen du texte en séance publique au Sénat aura lieu du 21 au 23 janvier, puis du 28 au 30 janvier. Le vote du projet de loi est prévu le 4 février, avant que le texte ne retourne à l’Assemblée nationale pour la deuxième lecture.
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