Philippines : l’École de vie d’ACAY à l’heure du confinement
Olivier Bonnel et Marie Duhamel – Cité du Vatican
Lors des Journées mondiales de la jeunesse de Manille, en 1995, sœur Sophie reçoit son appel pour fonder une mission destinée aux jeunes en souffrance aux Philippines. Elle fondera officiellement l’association Compassion Jeunesse Asie cinq ans plus tard, et ouvre le programme École de vie, une maison de famille où elle accueille, avec son équipe, une vingtaine de jeunes femmes de 14 à 20 ans qui ont été négligées, abandonnées, violentées émotionnellement, physiquement ou sexuellement.
Au sein de l’École de vie, la compassion est première. Quatre religieuses rattachées au diocèse de Cubao à Manille veillent, avec une quinzaine de salariés et des volontaires, à accompagner ces jeunes femmes pour qu’elles surmontent leurs traumatismes passés et puissent s’insérer, avec confiance, dans la vie active.
Trois principes d'apprentissage
L’École de vie est «le dernier maillon, une transition entre la vie au centre et la réintégration dans la société» qui reposent sur trois concepts, explique sœur Sophie : «le changement commence de l’intérieur, la culture de la responsabilité, et sur le mot latin ‘educere’», conduire à l’extérieur en latin.
Prostitution, drogue, prison… Les pensionnaires sont dans un premier temps invitées à revenir sur leur expérience de souffrance, en identifiant les «facteurs qui les ont conduit à devenir délinquant ou victime». Etre capable de nommer l’expérience traumatique, d’en comprendre la dynamique et les enjeux, permet permettre aux jeunes de distinguer les réactions positives et négatives qu’ils ont développées, et de se reconstruire.
Ensuite «une toute nouvelle dynamique» se met en place, poursuit sœur Sophie, pour les aider à devenir les protagonistes de leur vie. Pour les aider à progressivement se projeter dans l’avenir les jeunes femmes réfléchissent sur plusieurs notions essentielles dans le monde du travail, comme celle d’autorité, elles bénéficient de plusieurs formations, étudient et travaillent pour mettre de l’argent de côté afin d’entrer plus sereinement dans la vie active.
Enfin, au-delà de l’apprentissage de l’autonomie, les Missionnaires de Marie souhaitent que les jeunes filles soient en mesure de pouvoir sortir de leur zone de confort, «de tout ce que la vie leur a appris comme rétrécissement de leur horizon». Elles les aident à travailler en réseau et à être à l’aise sans le monde professionnel et dans tous les milieux sociaux.
Solidarité, créativité, prière
Depuis la mi-mars, les habitants de Luzon, la plus grande île de l’archipel où se trouve la capitale Manille, sont confinés. Sœur Sophie évoque ce moment difficile pour les familles pauvres de la capitale qui vivent ne peuvent plus vivre dans la rue, mais sont actuellement enfermées dans 4m2, une situation «intenable avec la chaleur. Les travailleurs journaliers dépendent aujourd’hui des aides d’État», explique la religieuse. Début avril, plusieurs d’entre eux ont protesté contre le manque d’aliments. Le président avait alors littéralement demandé à la police de tuer les perturbateurs. «Il y a la peur et il y a ainsi l’obéissance» note sœur Sophie. Le confinement serait ainsi bien respecté.
À l’École de vie, personne ne rentre et personne ne sort. Deux personnes ont été désignées pour aller faire les courses. Sœur Sophie a décidé d’être confinée avec les jeunes femmes. Les autres religieuses ont obtenu des permis pour les rejoindre.
En cette période de vacances scolaires, les professeurs ont suspendu les cours organisés à distance, et les religieuses organisent des ateliers d’artisanat. Les jeunes femmes continuent de travailler. La journée est également marquée par une prière à 15 heures. Elles récitent le chapelet de la Miséricorde Divine avec les salariés et volontaires, mais aussi avec les jeunes détenus que suivent habituellement les religieuses.
Jusqu’à présent, les Philippines n’ont fait état d’aucune libération de prisonniers, contrairement à ce qu’ont fait plusieurs pays d’Asie pour freiner la propagation du virus et éviter des émeutes, dans des milieux carcéraux souvent insalubres et surpeuplés.
À Manille, l’association Acay, toujours en contact avec ses anciens bénévoles et pensionnaires, a créé un réseau de solidarité en cette période difficile. Il faut «être à la fois Marthe et Marie, un pied sur le terrain et un pied dans la prière» explique sœur Sophie. Pendant cette période de confinement et d’épreuve, elle a écrit un petit texte intitulé «Du sabbat du monde au sabbat du cœur». Selon elle, en ce «temps de silence où tout est au repos», il faut «oser voir ses peurs et ses inquiétudes» «pour se laisser réconcilier avec Dieu» ; «c’est le moment de vivre la communion des saints», poursuit-elle, «nous sommes appelés à être fils et filles» et à «visiter en prière ceux qui sont dans la solitude», «à sauver les fils du Père».
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