Au Chili, le coronavirus progresse et les inégalités sociales s’accentuent
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Comparé à l’Équateur, au Brésil ou au Pérou, le Chili semble moins gravement frappé par l’épidémie de coronavirus, du moins en ce qui concerne le nombre de décès. Le pays de 18 millions d'habitants enregistre près de 87 000 cas de Covid-19 au 29 mai, dont 890 morts depuis l'apparition d'un premier cas le 3 mars. Mais la progression s’accélère depuis plus de deux semaines, et le pays bat de jour en jour des records de contamination. En début de semaine, deux ministres du gouvernement du président Sebastian Piñera ont annoncé être positifs: Alfredo Moreno, 63 ans, en charge des travaux publics, et Juan Carlos Jobet, 44 ans, ministre de l’énergie.
Le gouvernement face aux cris du peuple
Santiago, en confinement obligatoire depuis le 16 mai, est le principal foyer de la pandémie, avec 90% des cas du pays. Jusque-là, le gouvernement avait misé sur des confinements partiels et sélectifs, ainsi qu'un dépistage massif. Les 7 millions d'habitants de la capitale doivent donc rester chez eux, mais à plusieurs reprises ces dernières semaines, des habitants ont bravé le décret pour manifester et réclamer des aides alimentaires, tandis que l'apparition de l'épidémie a fait exploser le chômage et la faim dans les quartiers les plus pauvres. Les manifestations ont parfois provoqué des heurts entre la population et les policiers.
Ces tensions ne sont pas nouvelles: l'activité économique du Chili tourne au ralenti depuis des mois, et le pays est en proie à une vive agitation sociale depuis octobre dernier.
Face à l’agitation sociale, le gouvernement a débuté le 22 mai dernier une distribution de 2,5 millions de paniers de vivres aux familles sans emploi. Dans le même temps, Sebastian Piñera a promulgué une loi prévoyant une baisse des salaires du président, des ministres et des parlementaires. La pandémie a favorisé le passage de cette loi en débat au Parlement depuis six ans.
Rester solidaires et responsables
Il faut dire que la crise sanitaire agit comme un révélateur: «nous sommes en train de voir avec plus de force les inégalités sociales, dont l’Église parle depuis beaucoup de temps», explique Mgr Fernando Chomali, archevêque de Concepción et membre de l’Académie pontificale pour la vie.
La deuxième agglomération du pays, à 500 km au sud de Santiago, connaît une stabilisation des cas de coronavirus selon l’archevêque, mais le problème du chômage y est aussi criant que dans le reste du pays, ainsi que d’autres situations de détresse: solitude des personnes âgées, respect du confinement impossible pour les personnes dont la survie dépend d’une activité à l’extérieur, accès difficile aux cours en ligne pour certains étudiants. Une «équation très difficile», résume Mgr Chomali.
L’archevêque de Concepción estime que l’État «fait de son mieux», «de bonne foi», mais il plaide pour un État fort sur le plan économique, observant que de nombreuses entreprises privées apportent pour le moment elles-mêmes une aide matérielle aux personnes qui en ont besoin.
L’Église quant à elle reste attentive et proche de son peuple. «Pour nous ce n’est pas une chose nouvelle», explique l’archevêque, citant plusieurs initiatives, comme cette maison de retraites spirituelles dont les 50 chambres ont été mises à disposition pour accueillir des malades.
Mgr Chomali se montre également sensible à la question des soins dans les établissements de santé, d’autant plus que le système de santé national est à l’heure actuelle «très proche de ses limites», selon Sebastian Piñera. Le prélat a ainsi rédigé le 25 mai dernier un «décalogue pour affronter le dilemme du “dernier lit”».
Il met en garde contre les inégalités d’accès aux soins, les plus pauvres étant trop souvent laissés de côté. Une éthique parfois «inacceptable» est dénoncée par Mgr Chomali, tout comme «l’acharnement thérapeutique» dont peuvent être victimes les malades.
Mais en cette période de tribulations et face à l’inconnu, «l’espoir, c’est le Seigneur», rappelle l’archevêque de Concepción. Au Chili, remarque-t-il, «la foi des gens est incroyable».
(Avec AFP)
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