Les évêques du Venezuela dénoncent la «souffrance intolérable» du peuple
«Notre peuple, tout, entier, sans distinction, est plongé dans une chaîne de calamités», écrivent les évêques de ce pays en plein effondrement politique, social et économique, au point de ne même plus pouvoir assurer le ravitaillement de sa population en essence, alors qu’il fut une grande puissance pétrolière. «Nous entendons au milieu de la quarantaine sociale une immense clameur qui monte vers le ciel devant la détresse de millions d'hommes et de femmes sans ressources économiques, sans nourriture, sans médicaments, sans travail, sans services adéquats d'électricité, d'eau, de transport, de gaz domestique et de carburant», avertissent-ils.
Le document prend son titre de cette citation du Livre de Jérémie évoquant la détresse de Rachel : «Un cri s’élève, une plainte et des larmes d’amertume». Les évêques supplient donc les responsables politiques d’élaborer un accord national concerté et inclusif qui mettra fin à la souffrance que la grande majorité des Vénézuéliens subissent et que les évêques qualifient «d'intolérable sur le plan moral».
«Le Venezuela ne pourra pas se sortir de cette situation si la population ne remet pas définitivement en question les autorités et l'ensemble des dirigeants politiques, sociaux et culturels, et ne déclare pas l'urgence nationale», prévient l'épiscopat.
Un effondrement dont les causes sont anciennes
La crise actuelle n’est pas seulement une conséquence de l'urgence sanitaire qui a frappé le monde entier avec la pandémie de Covid-19, mais est plutôt liée aux ravages causés par les graves problèmes économiques, sociaux et politiques qui s'intensifient. «La présence de la pandémie n'a fait que mettre en évidence les nombreuses carences dont souffrent les populations et l'incapacité à y apporter des réponses adéquates, au-delà des solutions partielles, nécessaires mais insuffisantes, car il faut extirper les maux».
«Sur le plan économique, nous voyons le pays à la dérive», écrivent les évêques, expliquant qu'à la suite des mesures d'endiguement de la pandémie, le déclin de la capacité de production et de distribution des biens s'est aggravé, au point que de nombreuses entreprises et des magasins, déjà affaiblis, ont fermé leurs portes et laissé des milliers de personnes sans emploi. La même chose est arrivée aux travailleurs de l'économie informelle, qui sont en réalité majoritaires, avec un isolement social. «Le pays est proche d'un effondrement économique de grande ampleur», avertissent-ils.
Abus de pouvoir des autorités
L’épiscopat dénonce aussi, une nouvelle fois, la violence et la répression des forces de sécurité de l'État face à toute manifestation de dissidence ou de protestation légitime. Les violations des droits de l'homme sont à l'ordre du jour et comprennent, «le harcèlement de certains dirigeants communautaires, journalistes et médecins, et même la persécution et l'emprisonnement, sans procès, de certains militants politiques», s’indignent les évêques.
«La crise ne peut être gérée uniquement comme une arme de contrôle social et politique», précisent les évêques qui, tout en reconnaissant que les citoyens ont réagi par un comportement civique, en respectant les mesures de quarantaine et de santé, considèrent qu'il est urgent que le gouvernement établisse une «feuille de route pour la levée du confinement», qui inclurait notamment la facilitation de la mobilisation des travailleurs, la relance de l'économie et du commerce, et «l'ouverture progressive des lieux de culte pour les célébrations liturgiques, dans le respect des normes sanitaires que l'urgence conseille».
«Ce n'est pas en éliminant ceux qui pensent différemment que nous sortirons de cette crise», avertissent les évêques. «Le plus urgent, face à l'immense catastrophe nationale, matérielle, institutionnelle et sociale que nous subissons, est une action morale de grande portée, un choc éthique et une convergence politico-sociale» afin de permettre un plein rétablissement de l’ordre constitutionnel.
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