Découverte de fresques témoignant des racines chrétiennes de Venise
Paolo Ondarza – Cité du Vatican
La Sérénissime n’en a pas fini de révéler ses secrets, et celui récemment découvert est resté caché pendant des siècles, mais n’en est pas moins remarquable. «Un témoignage des profondes racines chrétiennes de Venise, dont l'art doit son coup d’envoi à l'Évangile apporté à ces terres dès les premiers siècles de notre ère», commente pour Vatican News le patriarche de Venise, Mgr Francesco Moraglia. Ces fragments de fresques du IXe siècle ont été trouvés sous les mosaïques de la cathédrale Santa Maria Assunta, le plus ancien ancien édifice religieux de la lagune, situé sur l'île de Torcello.
En marge de la conférence de presse qui s’est déroulée le 24 juillet dernier, le prélat a rappelé la valeur de l'art sacré, faisant office de «catéchèse y compris pour les non-croyants et, dans la liturgie, [étant] comme l’expression d'une foi chrétienne célébrée et admise».
Un témoignage du Haut Moyen Âge à Venise
L'incroyable découverte a eu lieu lors de la restauration de la maçonnerie et des mosaïques des absides et absidioles de la cathédrale, construite sur un plan basilical à trois nefs. Avant la réalisation de la décoration en mosaïque, entre les XIIe et XIVe siècles, des peintures murales, datant des IXe et Xe siècles, décoraient l'église. Elles ont émergé au-dessus des voûtes, et se trouvaient cachées par des ruines depuis le Moyen Âge: leur existence avait été supposée, mais n’avait encore jamais été étudiée de plus près. Ces fresques constituent donc une pièce fondamentale pour mieux comprendre l'histoire artistique de la cathédrale de Torcello, et plus largement, du Haut Moyen Âge à Venise et dans la région de l’Adriatique.
La Vierge et Saint Martin
Les œuvres ont révélé deux cycles iconographiques distincts: un panneau pictural avec des scènes de la vie de la Vierge Marie, où apparaît une représentation vivante de Marie et d'une servante, et un second registre pictural avec les événements hagiographiques de saint Martin. Ce dernier est représenté comme un évêque dans les mosaïques, tandis que dans les peintures murales, il présente l'iconographie traditionnelle du soldat de la charité. «Cette découverte, a expliqué Mgr Moraglia, donne des résultats inattendus: d'une manière particulière, elle met en évidence une foi mariale enracinée dans le territoire de Venise. La présence de la figure de saint Martin de Tours dans un triangle qui relie la Pologne, l'ouest de la France et l'île de Torcello à la foi christologique et à la lutte contre l'arianisme est également importante».
La basilique de Torcello au fil des siècles
Des légendes peintes avec des personnages typiquement haut-médiévaux accompagnent les images. Selon les archéologues et les épigraphistes de l'Université Ca' Foscari de Venise, ce qui a émergé permettra de reconstituer l'aspect décoratif de l'église avant qu'elle ne soit recouverte de mosaïques s’inspirant des canons de l’art byzantin. Les informations stratigraphiques recueillies permettent de retracer la chronologie des phases de construction de l'ensemble de la basilique, bâtie en 639 (comme l’indique une inscription à gauche du chœur, la plus ancienne trace écrite de la lagune), et remaniée aux IXe, XIe et XIVe siècles.
Une «nouveauté du passé»
Don Gianmatteo Caputo, délégué patriarcal pour le patrimoine culturel, évoque quant à lui «la nouveauté qui vient du passé et des témoignages anciens qui confirment le rôle de Venise comme pont entre l'Orient et l'Occident». «Les fresques ne seront pas visibles parce qu'elles sont sous le toit: néanmoins, elles seront sauvegardées et conservées comme témoignage de l'histoire de Venise», précise-t-il. «L'église de Torcello est contemporaine du Palais des Doges: nous parlons donc d'une époque où Venise se développait et montrait toute sa grandeur», souligne le prêtre.
Ces travaux de conservation du patrimoine ont été rendus possibles dans le cadre d'un programme visant à sécuriser le bâtiment de l’édifice, partagé avec le Patriarcat de Venise, suite aux inondations de 2019 qui ont endommagé plus de 80 églises de la région. Les contributions reçues dans le cadre de la campagne #AmericaLovesVenice par des donateurs américains qui ont estimé que Torcello était un lieu central dans l'histoire de la lagune ont elles aussi constitué une aide importante.
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