Zimbabwe : la solidarité du nonce avec les évêques
Gabriella Ceraso et Paul Samasumo - Cité du Vatican
Le gouvernement du président Mnangagwa a rejeté les déclarations faites par les évêques zimbabwéens dans une lettre pastorale publiée vendredi dernier, dans laquelle ils fustigent le choix de la répression fait par les autorités face aux manifestations de ces dernières semaines.
La ministre de l'information, de la publicité et des services radiotélévisés du Zimbabwe, Monica Mutsvangwa, a publié samedi soir une déclaration relayée à la télévision nationale, dans laquelle elle attaque en termes virulents et insultants la personne de l'archevêque de Harare, Mgr Robert Christopher Ndlovu, président de la conférence épiscopale du pays. Ce dimanche matin, le nonce apostolique au Zimbabwe, Mgr Paolo Rudelli, est venu lui manifester personnellement son soutien; une visite qui revêt une dimension symbolique de solidarité avec tous les évêques.
Une «répression de la dissidence sans précédent»
«La peur est aujourd'hui omniprésente dans la vie de beaucoup de nos concitoyens. La répression de la dissidence est sans précédent. Est-ce le Zimbabwe que nous voulons ? Avoir une opinion différente ne signifie pas être un ennemi. C'est précisément du contraste des opinions que naît la lumière. Notre gouvernement étiquette automatiquement toute personne ayant une opinion différente comme un ennemi du pays: c'est un abus», ont déclaré les évêques dans cette lettre pastorale.
Ils ajoutent que «l'appel à la manifestation est l'expression d'une frustration et d'une aggravation croissantes causées par les conditions dans lesquelles se trouve la majorité des Zimbabwéens. La répression de la colère de la population ne peut que servir à aggraver la crise et à entraîner la nation dans une crise plus profonde».
Le gouvernement du président Mnangagwa a été largement critiqué pour les violations des droits de l'Homme qui ont vu la police et l'armée du pays se déchaîner sur les activistes, les journalistes ainsi que le public. Plusieurs observateurs, tel Amnesty International, décrivent un climat de peur et de répression brutale ; disparitions forcées, arrestations, enlèvements dans les rues et torture des détracteurs du gouvernement.
#ZimbabweanLivesMatter
La répression par le gouvernement des manifestations pacifiques a donné naissance au hashtag #ZimbabweanLivesMatter, inspiré par le mouvement mondial #BlackLivesMatter.
Parmi les personnes toujours détenues au Zimbabwe, figure le journaliste reconnu Hopewell Chin'ono. En outre, Jacob Ngarivhume, leader du mouvement Transform Zimbabwe, est détenu avec de nombreux autres. Ces deux prisonniers de haut niveau ont été accusés d'incitation à la protestation publique et à la violence. Les avocats du Zimbabwe Lawyers for Human Rights ont déclaré que les détenus étaient maintenus dans des conditions carcérales inhumaines.
Auparavant, le président zimbabwéen Emerson Mnangagwa, avait semblé repousser les tentatives de médiation de l'Afrique du Sud et d'aider à atténuer la crise du pays. Les évêques catholiques du Zimbabwe décrivent l'échec des émissaires sud-africains à rencontrer l'Église et la société civile comme regrettable et probablement une occasion manquée.
Une direction qui blâme tout le monde sauf elle-même
Selon les évêques, les dirigeants politiques du pays doivent assumer l'entière responsabilité et cesser de blâmer les autres pour les malheurs du pays. «Il n'est pas clair pour nous, en tant qu'évêques, que les dirigeants nationaux dont nous disposons possèdent les connaissances, les compétences sociales, la stabilité émotionnelle et l'orientation sociale nécessaires pour traiter les problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que nation. Tout ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils rejettent la responsabilité de nos malheurs sur les étrangers, le colonialisme, les colons blancs et les soi-disant détracteurs internes. Quand allons-nous prendre nos responsabilités ? Alors que nos voisins de la région renforcent leurs institutions démocratiques, nous semblons affaiblir les nôtres», peut-on lire en partie dans la lettre pastorale.
Pendant la COVID-19, vers quoi se tourne une nation ?
«Face au nombre croissant d'infections par la COVID-19, vers quoi se tourne la nation ? Les outils nécessaires étant rares dans nos hôpitaux, nous constatons avec des cœurs blessés que les fonctionnaires semblent avoir plus d'EPI (équipement de protection individuelle) que nos infirmières et nos médecins», observent les évêques.
«Nous lançons un appel urgent à la paix et à l'édification nationale par un engagement, un dialogue et une responsabilité collective de transformation. Nous sommes également conscients que la pandémie de COVID-19 nous exposera à de nouveaux défis dans un avenir prévisible. En effet, comme l'a réalisé John Lewis (homme politique afro-américain et leader des droits civils), la marche n'est jamais terminée, mais ensemble nous vaincrons», ont déclaré les prélats zimbabwéens.
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