Canada: opposition des évêques à une extension de l’euthanasie
Liza Zengarini – Cité du Vatican
«Une loi qui permet d’enlever toute vie humaine innocente ne peut jamais être moralement justifiée. Une telle loi portera toujours atteinte à la dignité intrinsèque de la personne humaine». Dans une déclaration publiée le 20 octobre dernier, Mgr Richard Gagnon, archevêque de Winnipeg et président de la conférence épiscopale (CECC) interpelle les législateurs qui doivent se prononcer sur le projet de loi C-7 qui prévoit l'extension de l'accès à ce qu'on appelle «l'aide médicale à la mort» (Amm) aux personnes qui feraient une demande préalable et aux cas où la mort «n'est pas raisonnablement prévisible».
Appel à la mobilisation
Malgré la forte opposition déjà exprimée par l'épiscopat mais aussi par plus de cinquante dignitaires religieux dans une lettre ouverte publiée le 14 octobre dernier, le texte soumis au Parlement le 5 octobre n'a subi aucune modification par rapport à celui présenté le 24 février dernier.
Les évêques canadiens expriment ainsi, une nouvelle fois, leurs sérieuses inquiétudes concernant ce projet de loi «profondément imparfait, injuste et moralement pernicieux» et demandent aux catholiques et à toutes les personnes de bonne volonté de faire entendre leur voix pour s’opposer à ce texte.
L’affaire Truchon
«Contrariés», les évêques regrettent vivement la décision du gouvernement de Justin Trudeau de ne pas faire appel du jugement controversé sur l'affaire Truchon dans laquelle, le 11 septembre dernier, la Cour supérieure du Québec a jugé qu'il était inconstitutionnel de permettre aux seuls Canadiens déjà proches de la mort de demander une assistance médicale pour mettre fin à leur vie, invalidant en fait toutes les lois fédérales et quakers.
«La décision de ne pas faire appel», a déclaré Mgr Gagnon, «a conduit à la présentation du projet de loi C-7 sans que le Parlement ait examiné les dispositions de la loi sur l'aide médicale à la mort et la situation des soins palliatifs, comme le prévoit la loi de 2016» ; loi dont une évaluation devait avoir lieu au début de la cinquième année après son entrée en vigueur, c'est-à-dire en 2021.
Des soins palliatifs insuffisants au Canada
Pour les évêques, l'enquête réalisée sur internet en janvier dernier et sur laquelle se base l'exécutif pour justifier ce changement législatif est «douteuse, biaisée et hâtive». Ils espèrent des méthodes plus sérieuses avant de prendre toute décision : «Dans un pays démocratique, il faut espérer qu'une consultation beaucoup plus large, plus objective et plus juste avec les Canadiens aura lieu le plus tôt possible» déclare Mgr Gagnon, qui rappelle la position exprimée à nouveau en 2019 par l'Association mondiale des médecins contre l'euthanasie et le suicide assisté, ainsi que les perplexités récemment exprimées au siège de l'ONU et, plus récemment, la lettre ouverte des chefs religieux canadiens du 14 octobre.
Des objections et des réserves que l'exécutif a de facto ignorées, a dénoncé l'Église d'Ottawa, réitérant, une fois de plus, que l'alternative à l'euthanasie et au suicide assisté est et reste les soins palliatifs et une meilleure prise en charge des plus vulnérables : «L'expérience pastorale des évêques a montré que les patients sont plus susceptibles de recourir à l'euthanasie ou au suicide assisté lorsque leur douleur n'est pas correctement prise en charge par des soins palliatifs de bonne qualité, lorsque leur besoin de soutien et d'aide des autres n'est pas suffisamment satisfait, ou lorsqu'ils sont socialement marginalisés». Le vrai problème, souligne-t-on, est que ces soins et cette assistance sont insuffisants au Canada, comme l'ont démontré de façon dramatique les récentes enquêtes sur l'état des maisons de retraite pendant la pandémie de Covid-19.
«Comment le gouvernement fédéral peut-il, en toute bonne conscience, étendre l'admissibilité à l'euthanasie et au suicide assisté au Canada alors que notre pays et ses citoyens sont toujours incapables de fournir des soins de base aux personnes âgées et qu'ils sont en train de mourir», s’interroge le président de la CECC.
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