Fête de la Toussaint: les catholiques de France en quête de consolation
Cyprien Viet – Cité du Vatican
L’attentat qui a coûté la vie à trois personnes jeudi matin dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice a suscité une onde de choc en France et au-delà. Venu sur les lieux dans l’après-midi, le président de la République Emmanuel Macron a félicité les forces de l’ordre pour leur intervention efficace, qui a probablement permis de limiter le nombre de victimes, et il a exprimé «le soutien de la Nation toute entière aux catholiques de France et d'ailleurs». Il a tenu à souligner que même si chacun est libre de croire ou non, «toutes les religions doivent pouvoir s'exercer librement», et que les catholiques doivent pouvoir se rassembler en toute sécurité durant les messes de la Toussaint. Au lendemain de cette tragique attaque, le président français s'est entretenu par téléphone avec le Pape François.
Le chef de l'État a annoncé le renforcement du dispositif de protection pour les lieux de culte, ainsi que pour les écoles en vue de la rentrée scolaire ce lundi, avec notamment le passage de 3 000 à 7 000 militaires mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé aux préfets de renforcer la protection des lieux de culte afin de prévenir le risque d’actes de mimétisme, comme cela est souvent le cas après des attentats très médiatisés. Les policiers municipaux sont invités à exercer une surveillance renforcée près des églises et des cimetières.
Honorer les défunts emportés durant la pandémie
Le recueillement dans les cimetières prend cette année un relief particulier compte tenu des frustrations engendrées par la limite de 20 personnes fixée pour les cérémonies d’obsèques durant le premier confinement, au printemps dernier. De nombreux proches de personnes victimes du coronavirus, ou décédées de toute autre cause durant cette période de crise, n’ont pas pu leur rendre hommage au moment de leur enterrement. Beaucoup vivent donc ces traditions de la Toussaint et de la Commémoration des défunts, le 2 novembre, comme une étape importante dans leur processus de deuil.
Dans son discours du 28 octobre, tout en annonçant la mise en place d’une nouvelle période de confinement sur l’ensemble du territoire métropolitain à partir de la nuit de jeudi à vendredi, le président de la République avait précisé que les célébrations religieuses et les visites dans les cimetières resteraient possibles en ce week-end de la Toussaint, incluant le 2 novembre, jour de la commémoration des fidèles défunts. Répondant favorablement à une demande du président de la Conférence épiscopale, l'exécutif en France, bien que le pays régi par le principe de la laïcité, a donc adopté paradoxalement une position plus souple que la Pologne, dont le gouvernement, qui revendique un attachement aux valeurs catholiques, a ordonné la fermeture des cimetières ce week-end au nom du principe de précaution.
Par ailleurs, la nouvelle jauge dérogatoire pour les célébrations d’obsèques durant ce deuxième confinement en France sera de 30 personnes, ce qui laisse un petit peu plus de souplesse. Sur le plan religieux, les obsèques restent le seul motif de rassemblement autorisé, dans le respect toutefois des règles de distanciation sociale et en évitant toute effusion affective risquant de donner lieu à des contacts physiques.
Une messe pour la France célébrée vendredi soir à Reims
Dans ce contexte si particulier cette année, une messe pour la France retransmise par la chaîne KTO a été célébrée vendredi 30 octobre en la cathédrale de Reims, un lieu symbolique de l’histoire de France, puisqu’il a accueilli le sacre des rois mais aussi une messe pour la réconciliation franco-allemande en 1962, en présence du général de Gaulle et du chancelier Adenauer, quelques décennies après la destruction de la cathédrale par un bombardement allemand lors de la Première Guerre mondiale.
La messe de vendredi soir a été célébrée en présence des autorités politiques locales, mais aussi des principaux responsables du culte musulman à Reims. En signe de respect pour les victimes catholiques de l’attentat de Nice, le président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) Mohammed Moussaoui avait demandé aux musulmans de France de s’abstenir d’organiser toute festivité pour la commémoration de la naissance du Prophète, ce vendredi 29 octobre.
Dans son homélie, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France, a mis l'attentat de Nice en lien avec le ressentiment anti-français qui s’exprime dans certains pays majoritairement musulmans, dans le contexte de la publication des caricatures de Mahomet. «Si pour beaucoup de Français, l’Église catholique et la France sont deux réalités différentes, bien distinctes, qu’il faut tenir séparées l’une de l’autre le plus possible, pour beaucoup à l’étranger, l’Église, c’est la France et la France, c’est l’Église», a souligné l'archevêque. «Malgré nos petitesses, nos fautes, les erreurs et les crimes de notre pays s’il en a commis au cours de son histoire, par la grâce du Christ mort et ressuscité, retentit l’exclamation du vigneron qui est avant tout une promesse : "Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir!" » «En demandant à Dieu de nous bénir, qu’il renouvelle nos forces d’engagement et de service. Qu’il nous donne un coeur ferme et droit», a-t-il conclu.
Une Toussaint vécue dans un climat douloureux
C'est donc dans un climat d'une gravité particulière que les catholiques français se rassembleront ce week-end pour la dernière fois de l'année liturgique, puisque les messes publiques seront par la suite suspendues jusqu'à la fin du mois de novembre. La reprise des messes pour le temps de l'Avent est espérée, mais loin d'être acquise.
Pour sa part, l'évêque de Nice, Mgr André Marceau présidera dimanche à 18h la messe de la Toussaint en la basilique Notre-Dame de l’Assomption, en présence des curés de Nice et des paroissiens locaux. La messe sera précédée d’un rite de réparation, toute atteinte à la vie humaine dans une église étant, par définition, une profanation.
Le traumatisme est immense à Nice, où l'attentat du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais est aussi resté dans les mémoires. Vendredi, Jean-François Fouqué, catholique niçois et membre de l'Ordre des Chevaliers du Saint-Sépulcre, nous confiait ces quelques mots sur la réaction immédiate de la communauté catholique locale après ce nouvel attentat: «Comme le 15 juillet 2016, et comme pour le Père Hamel où nous étions restés ouverts pendant 24h de prière, hier, à partir de 17h, bravant l’interdiction municipale, nous avons accueilli à la cathédrale Sainte-Réparate celles et ceux qui voulaient se recueillir, celles et ceux qui, meurtris, voulaient prier et partager la prière des chrétiens, la prière de l’Église et l’adoration du Saint-Sacrement. Le maire avait fait fermer l’ensemble des édifices religieux comme une réponse instantanée utile à décourager tous les déséquilibrés du moment qui voudraient imiter l’abject terroriste et par là même permettre aux effectifs de police de se concentrer sur d’autres objectifs.J’ai dû expliquer au commissaire de police qui voulait que nous restions fermés que notre mission dans la tempête n’est pas de masquer la lumière, et que cette cathédrale ouverte et ces gens qui prient sont de frêles navires tournés vers l’unique phare. L’exemple de nos frères persécutés en Orient a été un soutien.»
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