Guyane française: démission de l’évêque de Cayenne
Cyprien Viet - Radio Vatican
Figure marquante de l’épiscopat ultramarin, Mgr Emmanuel Lafont se retire après un parcours missionnaire marqué par trois terrains totalement différents: le diocèse de Tours dans l’ouest de la France, l’Afrique du Sud durant ses années de transition de la fin de l’apartheid, et enfin la Guyane française où il a déployé beaucoup d’énergie pour atteindre les terres plus reculées de ce petit morceau d’Amazonie sous souveraineté française, et dont les habitants sont peu connus du grand public, y compris dans la sphère ecclésiale.
Né à Paris il y a exactement 75 ans, le 26 octobre 1945, Emmanuel Lafont a fait l’essentiel de sa formation sacerdotale à Rome, obtenant une licence en Théologie à la Grégorienne et une licence en Écriture Sainte à l’Institut biblique pontifical. Ordonné prêtre pour le diocèse de Tours en 1970, il y exercera différents mandats, notamment celui d’aumônier de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC).
Un témoin direct de la transformation de l’Afrique du Sud
À partir de 1983, le père Lafont est envoyé en mission en Afrique du Sud, au service du diocèse de Johannesburg en tant que prêtre Fidei Donum. Il sera notamment curé de la paroisse Saint-Philippe Neri à Soweto, se trouvant donc au cœur des évènements historiques ayant mené à la fin de l’apartheid et à l’élection de Nelson Mandela en 1994. Il tissera alors des liens avec les dirigeants de l’ANC, parmi lesquels l’actuel président sud-africain Cyril Ramaphosa. Cette expérience lui vaudra d’être invité par Christiane Taubira, alors ministre française de la Justice, à faire partie de la délégation officielle représentant la République française aux obsèques de Nelson Mandela, le 5 décembre 2013, aux côtés des présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy.
De retour en France en 1997, il deviendra directeur des Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM) jusque 2002, avant de revenir dans son diocèse d’origine en tant que curé de Langeais, brièvement, de 2003 à 2004.
Le porte-parole du peuple de Guyane
Le 18 juin 2004, saint Jean-Paul II l’appelle pour une nouvelle mission en le nommant évêque de Cayenne. Ses 16 ans d’épiscopat en Guyane française seront marqués par une intense activité déployée au service des populations les plus reculées, notamment les Amérindiens dont il sera un porte-voix remarqué lors du Synode sur l’Amazonie organisé au Vatican en octobre 2019.
Ses années de service en Guyane ne furent pas exemptes de drames et de difficultés. La mort tragique de Sophie Morinière, une jeune catholique parisienne, dans un accident de bus survenu en Guyane lors de la phase diocésaine des JMJ de Rio, en juillet 2013, a mis une dimension dramatique à ce qui aurait dû être un moment de joie et de communion entre la métropole française et l'Outre-Mer.
Par ailleurs, en 2014-2016, un conflit délicat l’a opposé au président du Conseil général de Guyane, qui souhaitait abroger la rémunération des prêtres par les pouvoirs publics, établie par une ordonnance du roi Charles X en 1828. Mgr Lafont mène alors une grève de la faim pour appeler les catholiques à soutenir le financement de l'Église et pour dénoncer une évolution qu'il juge trop brutale, bien qu’il ne soit pas opposé sur le fond à une évolution de ce système très éloigné du modèle français de la laïcité et inadapté à l'évolution de la société guyanaise. Finalement, après une longue procédure judiciaire, un accord tacite sera trouvé sur une prise en charge progressive de la rémunération des prêtres par le diocèse, au fur et à mesure des départs et arrivées de prêtres dans les paroisses. Fin 2018, l'évêque de Cayenne expliquait à l'AFP que sur 43 prêtres résidant sur le territoire de la Guyane, seuls 13 étaient encore à la charge de la collectivité territoriale, les 30 autres étant directement rémunérés par le diocèse, grâce aux dons des fidèles.
Officier de la Légion d’honneur et chevalier de l’Ordre national du Mérite, Mgr Lafont est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels Prier 15 jours avec Nelson Mandela, publié en 2014 aux éditions Nouvelle Cité.
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