Inde: demande de libération pour un jésuite accusé de terrorisme
Lisa Zengarini et Marie Duhamel – Cité du Vatican
Après avoir été interrogé à plusieurs reprises ces derniers mois sur son implication dans des émeutes qui ont éclaté en 2018 à Bhima-Koregaon près de la ville de Pune dans l’État occidental du Maharashtra, le père Stanislaus Lourduswamy a été arrêté jeudi dernier dans la résidence jésuite de Ranchi, la capitale du Jharkhand, est du pays.
Le Forum des religieux pour la justice et la paix a condamné «fermement et sans équivoque» l’interpellation du jésuite de 83 ans, d’autant que les agents auraient réservé «un traitement inhumain» à cette personne âgée à la santé fragile, un «citoyen indien aimant la paix qui a donné sa vie au service des populations tribales et des marginalisés». Pour le père Cédric Prakash, jésuite engagé au sein du Forum «cela en dit long sur la détérioration de l’éthos démocratique dans le pays».
Transferé à 1 500 km de chez lui
Accusé de liens avec des terroristes maoïstes, le père Stanislaus Lourduswamy a été par la suite transféré dans l’agglomération de Bombay, à plus de 1500 km de là. La Cour de l’Agence nationale d’investigation l’a placé en détention préventive jusqu’au 23 octobre prochain, malgré son grand âge et les risques liés à la Covid-19, virus qui a déjà infecté plus de 7 millions de personnes dans le pays.
Ses confrères jésuites de la province de Jamshedpur ont entamé des discussions avec un avocat pour obtenir sa libération sous caution, a déclaré le père Davis Salomon à l’agence Ucanews.
Plusieurs rassemblements pacifiques ont eu lieu le weekend dernier. Une centaine d’Advasi, les aborigènes locaux, ont défilé pacifiquement dans les rues de Ranchi pour demander la libération de celui qui les a assistés et a défendu leurs droits pendant de nombreuses années. À travers le pays, 2000 activistes sociaux ont signé une déclaration commune pour dénoncer une attaque contre tous ceux qui travaillent pour les droits humains et constitutionnels dans l’État du Jharkhand. «Le père Swamy est un citoyen estimé qui travaille depuis des décennies pour les Advasi», peut-on lire dans la déclaration.
Soutien des aborigènes, des ONG et de l'Église
Dans le Jharkhand, l’Église est également mobilisée. «L'Église de Ranchi fait appel à la conscience et à la compassion de toutes les autorités compétentes et de tous ceux qui ont voix au chapitre pour libérer immédiatement le père Swamy et le ramener à sa résidence», ont affirmé dans un communiqué commun Mgr Theodore Mascarenhas, évêque auxiliaire de l'archidiocèse de Ranchi, et Sœur Punam Soreng, secrétaire de la conférence des religieux locale. Ils ont eu le soutien de la conférence épiscopale indienne. Mgr Felix Machado, secrétaire général de la Cbci, s’est ainsi inquiété de la mise en détention et du transfert du prisonnier octogénaire avec diverses pathologies, alors que dans le pays les déplacements sont déconseillés même aux personnes en bonne santé, en ces temps de pandémie. Dans sa note, Mgr Machado rappelle l'engagement du prêtre depuis des décennies pour «défendre les droits des Adivasi, en particulier ceux concernant l’exploitation leurs terres ancestrales».
Les évêques indiens en appellent aux autorités compétentes pour qu'elles libèrent immédiatement le jésuite et lui permettent de retourner chez lui. Ils soulignent que les catholiques en Inde ont «toujours été loués par tous comme une communauté de citoyens loyaux et respectueux des lois au service de la patrie, "Mother India". Ils ont toujours contribué à l'édification de la nation et continuent de collaborer avec le gouvernement pour le bien commun de tous les Indiens et pour le progrès de notre pays. Nous demandons instamment que les droits et les devoirs de tous les citoyens soient sauvegardés et que la paix et l'harmonie entre tous prévalent», conclut leur déclaration.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici