L'Église colombienne œuvre à la paix face à la montée de violence
Andrea De Angelis et Marie Duhamel – Cité du Vatican
En Colombie, les accords de paix signés en 2016 n’ont pas mis fin aux violences. Depuis 2016, 254 anciens guérilleros des FARC ont été tués, poussant leur ancien chef, Rodrigo Londoño, a demandé cette semaine à l'ancien président colombien et prix Nobel de la paix, Juan Manuel Santos, avec lequel il avait signé l'accord de paix en 2016, d'intervenir auprès du gouvernement pour empêcher les «massacres» d'anciens rebelles. Ils ne sont pas les seuls à être visés. Huit journalistes ont été assassinés depuis 2016 estime ce jeudi la Fondation pour la liberté de la presse.
Les défenseurs des droits de l’homme, les leaders sociaux dont des membres des populations indigènes sont également pris pour cible. Plus de 400 dirigeants communautaires et locaux ont été tués depuis 2016, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Dans un rapport de 127 pages publié hier -"Left Undefended: Killings of Rights Defenders in Colombia's Remote Communities", l’ong Human Rights Watch documente les assassinats de défenseurs des droits de l'homme et souligne les manquements du gouvernement pour protéger ces personnes, prévenir ces crimes et inculper les auteurs de violences. «L'administration du président condamne souvent les assassinats, mais la plupart des systèmes gouvernementaux pour traiter le problème présentent de graves lacunes», déclare José Miguel Vivanco, directeur Amériques de l’ong.
Les demandes d'actions plus incisives de la part des autorités se multiplient. Parmi les voix les plus insistantes à cet égard, se trouve celle de l'Église.
Le défi de la coexistence
«Cette problématique est certainement liée au trafic de drogue, mais ce n'est pas toujours le cas. Les causes de cette violence sont multiple et, ces deux dernières années, la situation est devenue de plus en plus complexe, de nombreuses personnes étant de plus en plus exposées» déclare Mgr Héctor Fabio Henao Gaviria à Vatican News. Le directeur du Secrétariat national de la pastorale sociale colombienne assure que l’Église a interagi avec les autorités à plusieurs reprises.
Depuis le sud-ouest du pays, une des régions les plus touchées par la vague de violence perpétrée par des groupes armés, les évêques colombiens de la région ecclésiastique de Popayán, qui regroupe les six juridictions ecclésiastiques des départements du Cauca et de Nariño, demandent à l'État colombien d'avancer «de manière urgente, rapide et efficace pour garantir la vie et le respect des biens de tous les citoyens sur tous les territoires, en particulier là où se trouvent les plus pauvres et les plus vulnérables. La plus grande douleur de nos communautés dans ces territoires est de savoir qu'elles sont seules et sans défense». Dans une note les évêques expriment leur inquiétude face à la dégradation de la violence. Ils dénoncent «l’expression absurde de la force» qui se traduit par des meurtres. «Nous devons prendre conscience du drame que tout cela représente, afin de répondre, à partir de la foi, au bon sens qui nous pousse toujours à aspirer à la coexistence pacifique», écrivent-ils.
Une chaîne humaine pour la paix
Après s’être réunis le 5 février dernier, les évêques de la Valle del Cauca, province ecclésiastique de Cali, ont publié une lettre sur le site de l'épiscopat, dans laquelle ils expriment leur solidarité et leur préoccupation face à l'augmentation de la violence dans la ville de Buenaventura. «Nous joignons notre voix à celle de notre frère, l'évêque Rubén Darío Jaramillo Montoya, qui a mis en garde, avec fermeté et angoisse, contre le risque de massacres dans différentes municipalités et hameaux du district». Les prélats dénoncent «la mainmise de la mafia sur la ville par des gangs et des cartels» qui ont occupé des quartiers entiers, tuant sélectivement des jeunes et poussant les citoyens à la fuite. Ils ont ainsi annoncé qu'ils rejoindraient la "Grande chaîne humaine pour la paix à Buenaventura", organisée par le diocèse.
Dans le quartier Jean XXIII à Buenaventura, des groupes armés se battent pour le territoire, 31 personnes y ont perdu la vie cette année. Depuis décembre 2020, Buenaventura est victime d'un conflit sanglant entre les membres d'un groupe armé appelé La Local, qui s'est scindé en deux sous-structures connues sous le nom de Shotas et Espartanos, qui se font maintenant face.
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