Bagdad: les attentats de 2010, un traumatisme et des semences pour l’Église
Adélaïde Patrignani et Cécile Mérieux – Cité du Vatican
La veille de la Toussaint, le 31 octobre 2010, un groupe terroriste islamiste fait irruption en pleine messe dans la cathédrale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, siège de l’archiéparchie syro-catholique de Bagdad, y perpétrant un véritable carnage. Deux prêtres et 46 fidèles sont tués, 56 autres personnes sont blessées. Des familles entières sont prises en otage puis assassinées. Parmi les victimes, une jeune fille de 11 ans, un garçon de 3 ans, un nourrisson de 3 mois et une femme enceinte. Un troisième prêtre meurt des suites de ses blessures.
L’attaque est revendiquée peu après par un groupe de la mouvance d’Al-Qaïda. Le groupe donne un ultimatum de 48 heures à l’Église copte d’Égypte pour libérer des musulmanes «emprisonnées dans des monastères» du pays, des rumeurs lancées par les islamistes fondamentalistes en Égypte.
Une atrocité dans la maison de Dieu
Ce massacre, l’un des plus meurtriers contre les chrétiens en Irak, a soulevé une vague d’indignation et de condamnations dans le monde. Benoît XVI, lors de l’angélus de la fête de la Toussaint, a dénoncé cette attaque contre des chrétiens: «Je prie pour les victimes de cette violence absurde, d’autant plus féroce qu’elle a touché des personnes sans défense, réunies dans la maison de Dieu, qui est maison d’amour et de réconciliation», déclare-t-il. «Devant les atroces épisodes de violence, qui continuent à déchirer les populations du Moyen-Orient, je voudrais enfin renouveler mon appel affligé pour la paix: celle-ci est un don de Dieu, mais aussi le résultat des efforts des hommes de bonne volonté, des institutions nationales et internationales. Que tous unissent leurs forces afin que se termine toute forme de violence !», implore alors le Souverain Pontife.
Les causes de béatification et de déclaration de martyre des victimes de l’attentat sont ensuite lancées. La phase diocésaine est actuellement terminée. Figurent donc parmi les martyrs le père Thaer Abdal et le père Wassim Kas Boutros, morts alors qu’ils tentaient de permettre la libération des fidèles en négociant avec les terroristes. Ils sont aujourd’hui enterrés dans la crypte de la cathédrale. Ce lieu de culte, inauguré en 1968, a par ailleurs été restructuré et rénové depuis la tragédie. Un mémorial y a été érigé pour les victimes.
«Le sang des martyrs est semence de chrétiens» (Tertullien)
Le 1er août 2004, la cathédrale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours avait déjà été visée par des attaques terroristes, de même que cinq autres lieux de culte chrétiens de Bagdad, faisant plusieurs morts et blessés. Les jours suivants l’attentat de 2010, au moins 57 personnes ont péri et 320 ont été blessées dans onze attentats à la voiture piégée coordonnés dans plusieurs quartiers chiites de Bagdad. La prise d’otage du 31 octobre 2010 est par ailleurs intervenue une semaine après la fin de l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, au cours de laquelle les participants avaient évoqué le défi des violences à l’encontre des chrétiens, notamment en Irak.
«Les victimes ont été frappées par la main du diable, mais nous n’avons peur ni de la mort, ni des menaces. Nous sommes les enfants de ce pays et nous continuerons à rester avec nos frères musulmans», déclarait quant à lui le cardinal Emmanuel III Delly, alors patriarche de Babylone des Chaldéens, au cours de l’oraison funèbre prononcée en l’honneur des victimes de l’attentat.
Dans les années qui ont suivi ce drame, plus des deux tiers des chrétiens du diocèse ont cependant quitté Bagdad. Avant la guerre en Irak, environ 5 000 familles fréquentaient régulièrement la cathédrale Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. En 2018, elles ne sont pas plus d’un millier à se rendre dans les trois églises syro-catholiques que compte la capitale irakienne.
Accélérer le processus de béatification
Ce vendredi 5 mars 2021, accueillant le Pape François dans la cathédrale, le Patriarche syriaque catholique Ignace Joseph III Younan a évoqué «les 48 martyrs massacrés durant la célébration de la Divine Liturgie dominicale, justement dans cette cathédrale il y a dix ans». Ceux-ci, a-t-il souligné, «ont mélangé leur sang avec celui de l’Agneau, pour témoigner à leurs frères oppressés, tués ou éradiqués, en Irak et dans le Proche-Orient, que Jésus lui-même, Dieu Sauveur, continuera comme il l’a promis à vivre en eux. Et nous, forts de cette foi, avec courage, nous voulons continuer à témoigner du Christ Ressuscité». Le Patriarche a également demandé au Saint-Père de favoriser un aboutissement rapide du processus de béatification de ces martyrs.
François a quant à lui expliqué que «leur mort nous rappelle avec force que l’incitation à la guerre, les attitudes de haine, la violence et l’effusion de sang sont incompatibles avec les enseignements religieux (cf. Enc. Fratelli tutti, n. 285). Et je veux rappeler toutes les victimes de violences et de persécutions, appartenant à quelque communauté religieuse que ce soit. Je veux vous remercier pour votre engagement à être des artisans de paix, au sein de vos communautés et avec les croyants des autres traditions religieuses, en répandant des semences de réconciliation et de coexistence fraternelle qui peuvent porter à une renaissance d’espérance pour tous», a-t-il ajouté devant les prêtres, religieux, séminaristes et catéchistes présents dans l’assemblée.
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