L'acte d'accusation des religieux haïtiens contre Jovenel Moïse
Xavier Sartre – Cité du Vatican
C'est une lettre sans concession que les religieux haïtiens ont adressé au président du pays. Dans le sillage de la note du 2 février dernier de la Conférence des évêques d'Haïti qu'il appuie, le président de la Chr, le père Eric Jasmin CSC. interpelle Jovenel Moïse sur la situation désastreuse du pays: «votre responsabilité dans cette descente aux enfers est entière et vous avez le devoir de donner des réponses rapides et concrètes aux demandes du peuple, dont la première consiste à respecter les lois de ce beau pays.»
Un pays aux abois
Jovenel Moïse se trouve ainsi à la tête d'un pays où «les germes de mort semblent aujourd’hui l’emporter sur les germes de vie» écrit le président du Chr. «Le pays se meurt, la population est aux abois, l’insécurité est galopante, les plus pauvres n’en peuvent plus, la population est dans un désarroi qui frise le désespoir, le pays n’est plus dirigé. Nous sommes à la fois témoins et victimes de trop de crimes, trop d’injustices et d’inégalités» ajoute-t-il, accusant le chef de l'État d'«ignorer cette misère».
Le président de la Chr insiste: «aucune décision sérieuse n’a été prise pour alléger les souffrances du peuple ni pour le protéger contre les assauts de tous bords. La seule chose qui semble vous intéresser, c’est de boucler à tout prix un soi-disant mandat au grand mépris des revendications ô combien légitimes de tout un peuple» reproche le père Jasmin au président de la République.
Crise politique
Il fait là référence au fait que Jovenel Moïse considère que son mandat finit en février 2022 alors que la plupart de la population estime qu'il a pris fin il y a plus d'un mois. Le chef de l'État affirme qu'il n'a commencé à exercer vraiment son pouvoir qu'à l'issue d'un second tour organisé après un premier tour annulé mais qui est retenu par tous ses opposants et la population comme le vrai point de départ de son mandat.
L'ONU soutient l'analyse du président contre l'avis de la majorité des Haïtiens. Dans les mois qui viennent, Jovenel Moïse aimerait réformer la Constitution mais cette proposition passe mal auprès de la population.
Invitation au départ
La Chr se demande donc dans ce contexte «à quoi cela sert-il de s’accrocher au pouvoir de façon même illégitime ou illégale quand plus de la moitié de sa population vit dans l’insécurité alimentaire chronique ? Pourquoi vouloir à tout prix prolonger ou terminer un semblant de mandat sans pouvoir garantir la sécurité des vies et des biens, la libre circulation des personnes ? À quoi sert un président ou un gouvernement incapable de stopper le train de la mort qui sème le deuil au sein de la population au quotidien ?»
Les religieux, par la plume de leur président, exhortent ainsi Jovenel Moïse à ne plus être «un spectateur de plus» du «constant processus de déshumanisation de tout un peuple».
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