Assemblée générale de la Corref: un point d’étape sur la lutte contre les abus
«Nous souhaiterions tous en sortir. Mais surtout combien les personnes victimes, leurs entourages, souhaiteraient enfin en sortir !», a reconnu sœur Véronique Margron au début de son intervention, prononcée ce 19 avril. La religieuse dominicaine présidente de la Corref a affirmé que la découverte des abus commis dans les communautés religieuses et leurs conséquences était éprouvante, «entamant, jusqu’à la pointe de notre âme, à nous toutes et tous qui aimons la vie que nous avons choisie, la vie religieuse, communautaire. Qui la croyons belle».
Tenter de «réparer l’irréparable»
Sœur Margron s’est ensuite arrêtée sur deux thèmes qui feront l’objet d’une intervention spécifique au cours de cette assemblée générale.
D’abord la «justice restauratrice» ou réparatrice, «celle qui tente de faire face à l’étendue de l’impunité, de rattraper un peu du temps perdu. De faire justice, là où il n’est plus possible, trop souvent, de rendre la justice». À l’inverse de la «justice des tribunaux», «ce n’est pas d’abord l’auteur du méfait qui est au centre, mais c’est sa victime qui est au cœur des préoccupations. Du processus de réparation de l’irréparable». Les abus et atteintes sexuels étant «et individuels et collectifs et institutionnels», ce type de justice peut s’appliquer et rendre le fardeau des victimes «un peu moins lourd à porter», a-t-elle expliqué.
Les abus, des «crimes contre la fraternité»
Le repentir est quant à lui entendu «comme ce sur quoi s’appuyer pour avancer. Comme une décision et un agir ensemble qui ouvrent l’avenir, autrement, pour tous». Les participants à cette assemblée générale approfondiront cette notion avec Frédéric Boyer, écrivain, traducteur, éditeur, en l’écoutant parler de «la repentance dans la Bible». Le repentir consiste avant tout à «reconnaître que nous avons à veiller sur autrui», a précisé la présidente de la Corref, invitant à veiller sur les personnes, les communautés, l’engagement religieux, et les auteurs de méfaits. Ces derniers doivent être «poursuivis par une justice qui demande légitimement des comptes, mais aussi suivis, autant que faire se peut, afin de pouvoir répondre de leurs actes et répondre à l’autre, de l’autre», a-t-elle expliqué. «C’est ce repentir, comme l’engagement dans la justice restauratrice, qui convoquent notre responsabilité. Car impossible de se repentir sans responsabilité, sans répondre de nous-mêmes, ce que nous avons mal fait et qui a fait mal». Les participants travailleront donc aussi sur le sujet «des perspectives sur la responsabilité des instituts».
«Les abus, les crimes commis par des membres religieux sont des crimes de la fraternité», a par ailleurs déclaré la religieuse dominicaine dans son discours d’introduction.
Témoignages de victimes
Cette assemblée générale sera vécue par les religieux et religieuses de France dans le prolongement de celle de novembre 2020 et dans le cadre de la réception du rapport et des préconisations de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église). Il s’agit de «préparer leurs réceptions par l’ensemble de la vie religieuse en France et d’avancer sur la voie des décisions à prendre», explique la Corref dans un communiqué. L’accueil du rapport de la CIASE, a estimé sœur Margron, représente «une étape décisive» afin de «faire la lumière sur tant de noirceur. La justice restauratrice dans son déploiement ne peut s’initier qu’en faisant toute la vérité possible», a-t-elle souligné.
Au programme de l’assemblée figure également la projection, ce lundi soir, de Pardon ?, une pièce de théâtre qui évoque la pédophilie dans l’Église à travers le témoignage de Laurent, victime d’abus sexuels de la part d’un prêtre quand il était enfant. Le comédien Laurent Martinez sera en ligne pour présenter le spectacle et répondre aux questions de l’assemblée.
Outre les religieux et religieuses, divers invités prendront part aux discussions, notamment des personnes victimes d’abus, des membres de la CIASE, des psychologues, psychanalystes et écoutants du Réseau Simon et du réseau d’entraide Véro – accompagnant des victimes d’abus -, et des représentants de la Conférence des Évêques de France.
Dans son mot d’ouverture, sœur Véronique Margron a aussi eu une «pensée suppliante très spéciale pour les sœurs de la Pommeraye», et la société des prêtres de St Jacques, dont des membres ont été enlevés le dimanche 11 avril dernier en périphérie de Port-au-Prince, la capitale haïtienne. «Notre pauvre prière va en faveur de tous les otages, particulièrement Sr Agnès Bordeau, le Père Michel Briand et ses 3 confrères. Nous supplions pour la paix et la justice en ce pays tant aimé, Haïti», a-t-elle conclu.
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