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Les 10 martyrs de Quiché Les 10 martyrs de Quiché 

Guatemala: béatification des martyrs de Quiché, un appel à la réconciliation

Tués en haine de la foi, les 10 martyrs de Quiché, au Guatemala sont béatifiés ce vendredi 23 avril 2021. L’évêque du diocèse, Mgr Rosolino Bianchetti Boffelli, explique à Vatican News en quoi leur sacrifice reste une source d’inspiration pour le pays, face aux défis que représentent la pauvreté, l’exploitation et la migration forcée.

Sofia Lobos et Adriana Masotti - Cité du Vatican

Ils étaient trois prêtres espagnols, missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus -José María Gran, Faustino Villanueva et Juan Alonso-, ainsi que sept catéchistes laïcs -Rosalío Benito, Reyes Us, Domingo del Barrio, Nicolás Castro, Tomás Ramírez, Miguel Tiú et Juan Barrera Méndez (12 ans) -, à avoir été tués en haine de la foi, lors de la guerre civile qui ravagea le pays entre 1980 et 1991. Leur béatification, présidée par le cardinal Álvaro Leonel Ramazzini, se tient dans la cathédrale de Santa Cruz del Quiché.

Hommes de foi et de service

Des décennies après leur martyre, le sang versé par ces «hommes de foi», totalement dévoués au service de l'Évangile et de l'Église, continue de porter des fruits abondants : c’est ce qu’assure Mgr Rosolino Bianchetti Boffelli, d'origine italienne, actuel évêque du diocèse de Quiché, sur les hauts plateaux guatémaltèques à la frontière avec le Mexique, et missionnaire "Fidei Donum" dans le pays. «Nos martyrs étaient véritablement des missionnaires en sortie», affirme-t-il. Ils allaient de maison en maison, gardant la foi vivante, priant avec leurs frères, évangélisant, implorant le Dieu de la vie. C'étaient des hommes de grande foi, de grande confiance en Dieu, mais en même temps de grand dévouement pour qu'il y ait un changement, un Guatemala différent». Mgr Bianchetti les qualifie de «leaders dans l'Église» qui ont très bien conjugué «l'engagement de faire vivre leurs communautés selon le plan de Dieu, en faisant en sorte que l'annonce de la libération, de la vie en abondance que Jésus nous offre à tous, devienne une réalité».

Évangélisation et assistance aux pauvres et aux malades

Poussés par le désir de contribuer à la mission apostolique de l'Église sur leurs terres, ces hommes courageux ne se sont arrêtés devant aucune sorte de menace et ont «embrassé leur croix», poursuit l'évêque de Quiché, étant persécutés, torturés et tués par ceux qui considéraient les enseignements de l'Évangile comme un «danger» pour les intérêts des puissants. Parole de Dieu et chapelet en main, ils visitaient leurs communautés pour aider les plus nécessiteux: les prêtres soutenaient les fidèles, tandis que les laïcs, après avoir terminé leur travail, visitaient les malades, annonçaient la Bonne Nouvelle, servaient à l'église et aidaient les agriculteurs à récupérer les terres qui leur avaient été injustement enlevées.

Des contemplatifs en action

Mgr Bianchetti souligne à nouveau la signification profonde que revêt la béatification de ces martyrs pour l'Église du Guatemala, et en particulier pour son diocèse. «Pour nous, dit-il, cela signifie atteindre le point culminant d'un long voyage que Jésus a appelé ces hommes à entreprendre, avec cette nouvelle évangélisation qui a eu lieu à cette époque au Guatemala. Un voyage de fidélité, de dévouement, de passion pour le Royaume. Je les appelle 'contemplatifs en action' à cause de la foi qu'ils portent dans leur cœur, avec cette spiritualité héritée de leurs ancêtres qui combine une foi profonde avec une confiance totale, un dévouement sans limite à Jésus au service de leurs frères et sœurs". Pour tous les Guatémaltèques, cette béatification signifie «devenir toujours plus passionné à la suite de Jésus, comme ses disciples», en préservant ce «flambeau de la foi» que les martyrs ont laissé derrière eux.

Juanito, un exemple pour les jeunes

Mgr Bianchetti dédie quelques mots en particulier au plus jeune des martyrs, Juan Barrera Méndez, dit «Juanito» qui, à seulement 12 ans, a fait preuve d'une profonde maturité spirituelle en tant que catéchiste d'enfants se préparant à recevoir la première communion et ayant même reçu le sacrement de la confirmation. «Notre perle précieuse est Juanito qui était catéchiste parmi ses pairs dans la communauté. Selon les témoignages que nous avons, il portait dans son cœur cette flamme, cette passion de suivre Jésus. Il a même voulu construire une église près de chez lui pour que son père, qui refusait au départ d'aller à l'église, puisse y assister. Juanito a été torturé le jour où il a été capturé lors d'un raid de l'armée dans sa communauté. Puis ils l'ont fait marcher le long de la rive du fleuve. Il a été pendu à un arbre et abattu». Son témoignage, dit le prélat, est devenu «viral», raconte l’évêque, «ici les garçons l'appellent le "Carlo Acutis" du Guatemala».

Un appel à la charité et à la réconciliation dans le pays

L'évêque de Quiché souligne également combien l'exemple de courage de ces chrétiens est une source d'inspiration pour les communautés actuelles du Guatemala, qui doivent faire face aux défis tels que la pauvreté, le manque de travail, l'exploitation et la migration forcée. «À ce stade du troisième millénaire, souligne-t-il, il existe encore de nombreuses communautés sans électricité, dont certaines sont très proches de centrales hydroélectriques. Il y a aussi la souffrance de nos migrants, dont la plupart partent pour les États-Unis». Mgr Bianchetti rappelle que cette béatification est aussi un appel à construire une société réconciliée au Guatemala avec la contribution de tous.

Le Guatemala face à la pandémie

Au sujet de la pandémie de Covid-19 qui frappe durement le Guatemala, l'évêque de Quiché l’affirme : «c'est un peuple qui lutte au milieu de cette pandémie pour survivre avec dignité. Il est certain que les transferts de fonds sont la principale contribution de la population pour faire bouger l'économie. C'est ce que nous appelons l'économie informelle, car au Guatemala, même la macroéconomie est soutenue grâce à la microéconomie, c'est-à-dire grâce à l'argent envoyé par ceux qui travaillent à l'étranger et qui est investi dans le commerce et dans l'éducation des enfants», explique Mgr Bianchetti, qui malgré l’incertitude, conclut sur une note d’encouragement : «l'Église ici à Quiché, humblement, mais avec beaucoup d'espérance marche et veut continuer à construire main dans la main avec nos martyrs, un ciel nouveau et une terre nouvelle».

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23 avril 2021, 11:52