Irak: deux mois après le voyage du Pape, surmonter le sectarisme
Antonella Palermo - Cité du Vatican
Que l'Irak puisse grandir dans la solidarité réciproque entre ses composantes, tel est le souhait exprimé par le Pape lorsqu'il a reçu le ministre irakien des Affaires étrangères Fouad Mohammed Hussein au Vatican lundi 3 mai.
Deux mois après la visite du Pape sur cette terre irakienne, bilan du père Buols Thatbit, prêtre à Karemles, village situé à une trentaine de kilomètres à l'est de Mossoul.
L'émotion de voir le Pape à Mossoul embrasser la croix faite des restes du bois d'une église que la fureur dévastatrice de l’EI a incendiée, est encore bien présente dans les cœurs. Le père Thatbit le raconte depuis le village où il est revenu le lendemain de la libération de la plaine de Ninive. «Ils ont brûlé l'église de Saint-Adday mais j'ai fait cette croix que nous avons maintenant ramenée dans le jardin de notre paroisse. J'ai vu que notre travail, nos blessures, nos efforts pour l'accueillir ont été bénis par le Saint-Père.»
Le Pape a béni nos blessures
Le religieux se souvient de la joie et de l'enthousiasme de ces journées aux côtés du Pape. «J'étais à Mossoul, j'ai bien imprégné le message de paix du Saint-Père contre la violence, la division, la corruption».
Il explique qu'il s'agit de problèmes anciens que les gens vivent avec anxiété depuis des années et que les paroles et les gestes de François ont apporté un grand calme aux âmes. «Tous les Irakiens voulaient que le Pape parle aussi aux hommes politiques pour ouvrir une nouvelle page de l'Histoire du pays, afin que l'Irak puisse se guérir.»
Le peuple irakien a projeté dans la visite papale un signe de changement social et politique, dit le prêtre. Le père Tahtbit souligne que la transition vers une réconciliation n'est pas facile car la culture de la haine et du sectarisme est trop ancienne dans le pays.
«Nous espérons, ajoute-t-il, que ce que le Pape a laissé dans les âmes se fondra dans le peuple et aboutira à un avenir de paix véritable».
Une croix faite du bois d'une église brûlée par Daech
«Quand le groupe EI a attaqué la zone de la plaine de Ninive, ce soir-là, entre le 6 et le 7 août 2014, j'ai dû prendre une décision très importante: pour dire aux gens de fuir, je suis resté sur place. L'attaque de l’EI étant désormais certaine, je me suis également enfui à Erbil avec deux autres diacres, emportant avec moi les manuscrits de la paroisse et le Saint Sacrement. Pendant trois ans, nous avons travaillé avec les réfugiés, répondant à tous leurs besoins. Ce n'était pas facile, nous avons vu tant de malheurs, ressenti tant de douleurs. Mais nous avons aussi vu la joie de pouvoir garder la communauté unie en lui insufflant l'espérance de pouvoir un jour retourner sur nos terres. Et c'est ce qui s'est passé. Je suis revenu le lendemain de la libération. J'ai dû surmonter de nombreux obstacles. Mais finalement, je suis arrivé à Karemles et j'ai planté la croix sur la colline. Nous avons reconstruit le village en mai 2017.»
L'espérance que l'Irak sortira du tunnel
Le père Thatbit est prudent et affirme que les fruits de la visite du Pape mûriront lentement. «Nous attendons toujours que le peuple irakien trouve le courage de dépasser les limites de l'appartenance ethnique et religieuse. Nous devons retrouver l'unité», dit-il. «Nous espérons que les esprits seront ouverts dans le pays: ce qui est utile, ce n'est pas le sectarisme, c'est au contraire un leadership qui sort l'Irak du tunnel noir». Et il rappelle que lors de la messe célébrée dans le stade de la capitale du Kurdistan irakien, la statue de la Vierge, elle aussi à moitié détruite par le groupe État islamique, se détachait.
«Nous l'avions prêtée pour cette occasion spéciale, elle avait été décapitée. Ils l'ont restaurée. Maintenant, elle est de retour dans ma paroisse et les gens y vont pour prier», confie le religieux.
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