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Pandémie au Cambodge: l’Église se mobilise pour la population

Relativement épargné durant les premières phases de la pandémie de coronavirus, le Cambodge fait face depuis février à une accélération de la diffusion du virus. Le vicaire apostolique de Phnom Penh, Mgr Olivier Schmitthauesler, nous livre son témoignage sur l’action de l’Église catholique dans cette période délicate.

Vatican News

Le bilan officiel de la pandémie de coronavirus apparaît encore relativement mesuré dans ce pays d’Asie du Sud-Est, avec environ 16 000 cas au total et une centaine de décès recensés comme étant directement liés à ce virus. À partir du 20 février néanmoins, une nette accélération des contaminations s’est faite sentir, après un incident impliquant quatre ressortissantes chinoises n’ayant pas respecté leur quarantaine obligatoire. Depuis le début du mois d’avril, le nombre de contaminations a connu une progression exponentielle, passant de quelques dizaines par jour à près d’un millier durant les dernières 24 heures.

Afin de contenir la progression du virus, le gouvernement a imposé des mesures drastiques et autoritaires. Le confinement décrété dans la capitale Phnom Penh et la ville voisine de Ta Khmau a mis en difficulté une grande partie de la population pour son approvisionnement alimentaire, avec la fermeture imposée de toutes les échoppes. La levée partielle du confinement, ce 5 mai, ne concerne pas tous les quartiers, la présence de marchés constituant un facteur de risque supplémentaire.

Des millions de Cambodgiens voient donc leur situation de précarité s’aggraver, et par ailleurs, au-delà des risques liés au virus en tant que tel, la santé des personnes victimes d’autres pathologies est mise en danger par la fermeture des frontières et la concentration de l’activité des hôpitaux sur la lutte contre le coronavirus.

Le vicaire apostolique de Phnom Penh, Mgr Olivier Schmitthauesler (MEP), explique la situation du pays et l’action de l’Église catholique au service de la population dans ce moment de crise sanitaire, économique et sociale.

Entretien avec Mgr Olivier Schmitthauesler

En effet, les première et deuxième vagues du Covid dont on parlait en Europe ont épargné le Cambodge, il y avait simplement quelques cas importés qui étaient immédiatement mis en quarantaine à leur arrivée à l'aéroport, et il y a eu quelques transmissions communautaires au mois de novembre et au mois de décembre, mais qui ont été vite contrôlées.

Mais le 20 février, quatre Chinois qui se sont échappés de la quarantaine dans le lieu dans lequel ils résidaient, et il y a une transmission du virus. Il semble que ce soit le variant anglais qui est très contagieux et depuis le 20 février, de jour en jour, il y a eu de plus en plus de cas. Au début, c'était un peu contenu, et puis, tout à coup, il y a eu les transmissions dans les grands marchés de Phnom Penh. Cela s’est fait très vite car les marchés, ce sont des lieux de rencontre, de promiscuité.

Et la ville de Phnom Penh a été fermée depuis le 15 avril jusqu'à ce soir. Ce soir ils vont rouvrir des quartiers, mais de nombreux quartiers sont encore en zone rouge. Donc en fait, les personnes ne peuvent même pas sortir de chez elle à Ta Khmau, et puis maintenant ça se transmet sur Sihanoukville et dans le Nord du pays aussi.

Le problème principal pour les pays touchés par la Covid, c'est la pression à laquelle sont soumis les hôpitaux. Qu'en est-il au Cambodge? Est-ce que le système hospitalier réussit à faire face?

Au Cambodge, c’est la pression maximale parce que les frontières sont fermées depuis un an et demi. Il y a quelques avions qui partent sur Singapour ou sur la Corée, pour aller en Europe, mais la frontière avec la Thaïlande, avec le Laos, avec le Vietnam, elle est fermée, ce qui fait que les malades qui avaient l'habitude d'aller souvent au Vietnam ou en Thaïlande ne peuvent plus le faire. Les hôpitaux sont donc déjà saturés depuis plusieurs mois pour les malades disons traditionnels, classiques.

Avec la Covid, ça a été rapidement saturé. Il n’y a que quelques hôpitaux qui sont sélectionnés pour recevoir les malades de la Covid tout en sachant qu'ici il y a une mise en quarantaine systématique de ceux qui sont en contact avec quelqu'un qui aurait pu avoir la Covid, donc il y a énormément de centres de quarantaine dans tout le pays. Tous les malades sont immédiatement mis soit à l'hôpital, soit dans les lieux qui ont été transformés en hôpitaux de campagne.

Il y a plusieurs hôtels qui ont été réquisitionnés à Phnom Penh et dans tous les lieux où il y a beaucoup de cas de Covid comme à Sihanoukville dans le Sud ou Poipet dans le Nord. Ce sont des hôpitaux privés, des hôtels ou même des écoles qui sont réquisitionnés pour être transformé en hôpital provisoire.

Vous parlez donc d'un confinement qui a été mis en place le 15 avril, principalement à Phnom Penh et Ta Khmau, ce sont environ deux millions de personnes qui sont concernées et on sait que beaucoup de ces personnes dépendent économiquement du secteur informel et se sont donc retrouvées en grande difficulté économique et financière. J'imagine que l'Église au Cambodge tente du mieux qu'elle peut de soutenir ces populations, de leur apporter une aide, sous quelle forme et de quelle manière ?

Personnellement je ne suis pas à Phnom Penh depuis le 20 février, je suis en province, là où j'ai démarré la mission en 2000. Je suis dans un petit village au milieu des rizières en ce moment. Et ça m'a permis, en particulier pour l'Église catholique, de pouvoir continuer à transmettre à travers Facebook et YouTube la célébration des eucharisties, et de pouvoir organiser un petit peu l'aide depuis nos campagnes, puisque l'Église catholique du Vicariat de Phnom Penh a une grande ferme qui produit des légumes, des cochons, de la canne à sucre et des mangues. On a plusieurs rizières aussi.

Les chrétiens se sont mobilisés, on a déjà envoyé trois convois à Phnom Penh avec du riz, du cochon, des légumes parce que les légumes frais et la viande fraîche on ne les trouve plus sur les marchés.

Et depuis une semaine on a mis en place avec les chrétiens une distribution de repas que l'on prépare tous les jours pour les plus démunis. Donc le premier jour, c'était sur la décharge de Phnom Penh, le deuxième jour, c'était là où vivent ceux qui ramassent le matériel de récupération, ça a été dans un autre quartier hier, c'était les ouvriers et ce matin c'était les pêcheurs sur le bord du Mékong. Et on a aussi aidé 320 familles musulmanes ce matin avec des œufs, des légumes et des boîtes de conserve de poisson.

Donc une Église locale très proche de la population, j'ai vu également que vous avez reçu la solidarité de l'Église du Vietnam?

Voilà, c'est un petit peu le slogan que depuis quelques semaines, je mets en place : on est une grande famille. Effectivement, j'ai eu la bonne surprise et aussi cette bonne nouvelle de l'archevêque de Saïgon qui nous a fait parvenir quatre million de masques.

Le premier convoi d'un million de masques est arrivé la semaine dernière, le deuxième aujourd'hui, deux autres vont arriver après demain et ce matin, j'ai commencé la distribution.

Là, je viens de rentrer en fait sur la province de Ta Khmau où je suis allé rencontrer les autorités locales, en particulier l'Office pour l'Éducation, le Culte et les Religions. Après la pagode et la prison, notre distribution va continuer avec le ministère de l'Éducation, avec les patriarches de Phnom Penh, avec les responsables musulmans, et aussi au niveau local dans les 9 secteurs pastoraux, pour que ces quatre millions de masques soient un petit peu le signe de notre solidarité et du fait que l'Église est véritablement partie prenante de la vie économique, sociale, éducative, et religieuse évidemment, du Cambodge.

 

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05 mai 2021, 11:35