L’épiscopat vénézuélien appelle à ne pas politiser la campagne de vaccination
Sofia Lobos - Cité du Vatican
La pandémie de Covid-19 continue de frapper durement le peuple vénézuélien qui, depuis des années, est submergé par les effets désastreux d'une crise économique, politique et sociale qui a également provoqué une grave crise sanitaire : il n'y a pas de lits dans les hôpitaux, les structures sont effondrées, il n'y a pas de médicaments et aucun plan de vaccination clair de la part du gouvernement pour atténuer les contagions qui continuent d'augmenter.
Le nombre d'infections augmente et il y a un manque de lits d'hôpitaux. Dans ce contexte, Vatican News s'est entretenu avec Mgr Mario Moronta, évêque du diocèse de San Cristobal dans l'État de Tachira, et premier vice-président de la conférence épiscopale vénézuélienne.
Le président Nicolás Maduro a déclaré dimanche 23 mai que le Venezuela avait reçu 1 million 300 mille vaccins de Chine et qu'un plan de vaccination serait lancé dans les prochains jours. Où en est ce plan de vaccination ?
En effet, le 23 mai dernier, le président en charge de l'exécutif a annoncé qu'il avait reçu 1,3 million de vaccins de Chine et qu'un plan de vaccination allait commencer dans les prochains jours. Le problème que nous avons est que nous ne croyons personne parce que c'est tromperie après tromperie. Et pour l'instant, le plan de vaccination est bien en deçà des niveaux nécessaires.
La Conférence épiscopale est en contact avec le meilleur groupe de médecins du Venezuela qui connaît cette situation. Ils affirment que si nous voulions qu'un pourcentage élevé de la population (environ 80 %) puisse être vacciné d'ici la fin de l'année, nous aurions besoin de 14 millions de vaccins à l'heure actuelle, ce qui implique les deux doses qui doivent être administrées pour chaque personne.
Un autre problème que nous rencontrons est que dans plusieurs régions, les médecins et le personnel de santé devaient être vaccinés, mais cela n'a pas été fait : seuls ceux qui ont une affiliation politique dans le groupe du parti au pouvoir sont vaccinés, et aussi des personnes qui n'en ont peut-être pas besoin de manière aussi urgente que d'autres groupes plus vulnérables, comme les médecins, les infirmières, les pompiers, les opérateurs de santé et les personnes âgées.
En réponse à la question de savoir où en est le plan de vaccination, nous devons dire que nous sommes bien en dessous de la moyenne internationale et que, selon certaines statistiques, nous serions en bas ou en avant-dernière position sur la liste des pays ayant un faible taux de vaccination. C'est pourquoi la Conférence épiscopale et les évêques appellent à la nécessité d'une vaccination de masse et nous rappelons qu'il ne s'agit pas d'un problème politique ou partisan, même si c'est malheureusement ce que les groupes du débat politique en ont fait.
Si les structures sanitaires ne peuvent pas faire face, le gouvernement a-t-il un plan pour accélérer la campagne de vaccination ?
Si le gouvernement a un plan pour accélérer les vaccinations, nous ne le connaissons pas : il se consacre à faire des annonces et des publicités mais nous ne connaissons aucun plan concret. L'Église et d'autres organisations religieuses et sociales ont offert leurs bons offices pour collaborer à ces campagnes de vaccination mais jusqu'à présent, malheureusement, nous n'avons que des annonces. En bref, 1 300 000 000 vaccins, d'où qu'ils viennent, ne couvrent même pas un cinquième des besoins du pays.
Nous avons plusieurs initiatives en cours. La première d'entre elles a été d'élaborer une série de lignes directrices visant à promouvoir la bioprotection des fidèles qui se rendent dans nos églises, non seulement pour le culte, mais aussi pour des actes d'évangélisation, comme la catéchèse, et nous l'avons fait en communion avec tous les évêques du Venezuela, en suivant également les directives du Saint-Siège, des organisations internationales, ainsi que les recommandations des gouvernements et les conseils des experts médicaux. Nous avons dû assumer la fermeture des églises pendant une période assez longue et, ici au Venezuela, nous nous sommes adaptés aux nouvelles réglementations qui changeaient chaque semaine.
À cela s'ajoute la campagne de sensibilisation qui a été appliquée dans tous les diocèses, mais surtout ici à San Cristobal, grâce à notre plateforme de communication et aussi grâce aux conseils d'un très bon groupe de médecins catholiques qui nous accompagnent.
Comment l'Église aide-t-elle concrètement les migrants et les personnes les plus vulnérables ?
L'Église aide toujours les migrants en collaboration avec certaines organisations internationales et philanthropiques, car nous sommes l'une des rares institutions à nous préoccuper des migrants et des personnes les plus démunies. Il faut dire que le territoire de notre diocèse est l'un des lieux par lesquels des milliers et des milliers de migrants quittent le pays.
C'est pourquoi, dans certaines paroisses situées le long du chemin, ont été créées ce que nous appelons des "maisons refuges", c'est-à-dire des lieux où les migrants peuvent se reposer après avoir marché pendant des jours, dormir, passer la nuit, se doucher, manger et recevoir des soins adéquats. Nous avons deux "refuges" dans la zone frontalière avec la Colombie et deux autres dans la zone située entre l'État de Táchira et Caracas. Mais aussi dans toutes les paroisses de la région, des équipes ont été organisées pour aider les migrants. C'est une situation très douloureuse qui mérite l'attention de tous.
Et là, je partage une anecdote : la paroisse de San Antonio del Táchira est située dans un quartier très pauvre où les gens peuvent passer "officieusement" en Colombie. Les gens qui y vivent sont très pauvres et pourtant la communauté ecclésiale de base s'est organisée pour nourrir les migrants qui passent dans la région. Cela signifie que l'option pour les pauvres vient aussi "des pauvres" et que ce sont peut-être eux qui aident le plus et le mieux les nécessiteux.
Enfin, Monseigneur, au Venezuela les cas de Covid sont en augmentation ainsi que le nombre de décès : ce sont des personnes qui ne sont pas à blâmer du fait que les gouvernants ne sont pas d'accord pour garantir la santé publique. Quel est le message de l'Église face à cette situation d'injustice sociale ?
Il existe deux types de messages. D'une part, il y a le message oral que nous donnons avec nos paroles et notre prédication. D'autre part, suivant les indications de l'Évangile et des enseignements du Pape François, il y a le message de proximité avec les gens. Nous avons appris (de plus en plus chaque jour) que l'Évangile est prêché, non seulement depuis les chaires et les autels, mais au milieu du peuple. Pour cela nous avons l'inspiration de l'Incarnation du Seigneur : Il nous a donné cet exemple, Il s'est fait homme et a tout partagé avec nous, étant égal à nous sauf dans le péché.
Par conséquent, la première voix de l'Église dans cette situation d'injustice sociale est celle de la proximité, de l'accompagnement et de la solidarité, en veillant à ce que la voix de ces personnes qui souffrent soit entendue, même si cela implique parfois de recevoir des critiques. Dans notre diocèse, la meilleure voix est celle de la proximité et de l'accompagnement des personnes avec des gestes concrets de charité et de dignité humaine.
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