Des personnes se rassemblent pour rendre hommage aux victimes de l'attentat, le 17 juillet 2016 à Nice Des personnes se rassemblent pour rendre hommage aux victimes de l'attentat, le 17 juillet 2016 à Nice  

Mgr Marceau: après les attentats de Nice, continuer d’«apaiser les cœurs»

Cinq ans après l’attaque terroriste menée sur la Promenade des Anglais à Nice, le traumatisme est encore sensible parmi les habitants. L’Église tente d’apporter un message de paix et de consolation, et elle assiste parfois à d'encourageants relèvements. Mgr André Marceau, évêque de Nice, en témoigne.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Depuis cinq ans, la fête nationale ravive d’éprouvants souvenirs dans la capitale des Alpes-Maritimes. Dans la soirée du 14 juillet 2016, un camion-bélier conduit par terroriste islamiste fonçait sur la célèbre promenade des Anglais, faisant 86 morts et 458 blessés. Ce mercredi, des hommages aux victimes et des moments de partages auront lieu dans la ville. Une cérémonie interreligieuse est notamment prévue le matin. La communauté catholique niçoise y sera représentée. Un autre attentat l’avait frappée le 29 octobre dernier, à la basilique Notre-Dame de l’Assomption, coûtant la vie à trois fidèles tués au couteau.

Des épisodes dramatiques qui ont laissé une empreinte encore douloureuse parmi la population, comme l’explique Mgr André Marceau, évêque de Nice depuis 2014.

Entretien avec Mgr Marceau

Pour la population, ces évènements ont été des chocs profonds. Les témoignages des personnes sont à vif. On sent toujours aussi les difficultés, exprimées par les associations de victimes, à trouver la paix. On voit bien toutes les difficultés qui surgissent autour du monument qui pourrait être un mémorial de souvenir. C’est vraiment une expérience qui a ébranlé profondément les personnes. Et de manière particulière, l’évènement de la Basilique Notre-Dame de l’Assomption a profondément touché la communauté chrétienne. La Basilique Notre-Dame est toujours marquée par une attitude de peur de revenir dans cette église, malgré les belles célébrations qui ont eu lieu depuis. Ces évènements sont comme une épée de Damoclès qui pourrait continuer à se vivre. On ne peut pas dire le contraire, la peur est là aussi, la méfiance. Cela suscite aussi de l’exclusion, et il faut combattre – mais c’est difficile – contre les comportements de repli sur soi, de fermeture, de dureté du cœur et d’égoïsme pour notre société.


Quelle contribution l’Église a-t-elle apporté après un tel traumatisme?

À chaque fois nous avons manifesté cette affirmation de ce qui est le cœur de notre foi, de l’Évangile: ce visage de Dieu, qui est un Dieu d’amour, un Dieu de paix, un Dieu qui appelle chacun à contribuer à cela, mais de manière proche. Et pour nous, cela a été de manière proche, dans l’accompagnement des personnes, en essayant toujours d’apaiser et de ne pas exacerber des passions qui peuvent être aussi très mortifères et très mauvaises.

Ce qui a été aussi un grand moment, ce fut notre voyage à Rome avec un certain nombre de personnes victimes ou bien des familles qui avaient perdu un des leurs. Le Pape François nous a accueillis et a été ce merveilleux berger, cet homme lumineux. Un musulman m’a dit: «lorsque j’ai vu arriver le Pape, c’est la lumière qui est entrée pour moi». Cet évènement a fait que dans des cœurs, dans des vies, des choses ont changé. Le retour du voyage n’avait plus du tout la même teinte qu’à aller, où les relations étaient un peu distantes et froides, chacun un peu replié sur lui-même. Le retour, c’était vraiment des partages. Moi-même j’en ai été témoin, car les personnes venaient me parler pour me dire ce beau moment d’apaisement que le Saint-Père a pu faire vivre à ces hommes et à ces femmes. Il a touché des photos, il a béni, parlé… pour moi, c’était vraiment une merveilleuse figure du Christ qui passait parmi les foules pour leur dire la Miséricorde du Père, l’amour de Dieu. Cela a été important, vous savez, et c’est dans cette ligne-là que l’on essaie d’être présents et toujours attentifs.

Comment résonne dans ce contexte l’appel du Pape François à la fraternité humaine?

Je crois que ce message, qui est très fort, n’est pas un message qui coule de source et va de soi. Pour nous, c’est un défi pastoral que de pouvoir faire passer de telles paroles comme un enjeu primordial, pour que la maison commune puisse être habitée par tous et que la maison commune soit aussi l’œuvre de tous. Mais c’est très difficile. Nous chrétiens, comment pouvons-nous prendre soin de notre société, c’est-à-dire des hommes et des femmes, pour les ouvrir à une autre dimension ? C’est la dimension de la fraternité, qui a toujours sa source dans la croix du Christ, dans les Béatitudes, et dans le chemin de l’Évangile, d’une Bonne nouvelle pour tous. C’est un travail de longue haleine.

Monseigneur, quelle est votre prière pour ce 14 juillet?

Il y aura un temps de prière interreligieux, et chaque représentant des divers cultes proposera un psaume, une prière, une réflexion, dans le contexte de l’hommage aux victimes. Nous chrétiens catholiques, avons toujours eu dans l’approche du 14 juillet une célébration qui nous est propre.

Mon souhait comme évêque de Nice, depuis ces terribles moments, c’est de travailler avec les communautés chrétiennes à pouvoir faire évoluer cet état d’esprit qui enferme souvent les gens dans des relents de violence, ce qui est contraire finalement à un épanouissement. J’ai rencontré des personnes qui ont peu à peu pu retrouver le souffle de vivre, le goût de vivre. Que le Seigneur nous accompagne dans ce travail d’apaisement des esprits et surtout des cœurs.

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13 juillet 2021, 14:59