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Les évêques de France en réunion avec le Pape François, le 1er octobre 2021. Les évêques de France en réunion avec le Pape François, le 1er octobre 2021. 

De la croix à la lumière, les évêques de France en quête de vérité sur les abus

À quatre jours de la publication du rapport de la Commission Sauvé, les abus sexuels sur mineurs ont été au cœur de la conférence de presse conclusive de la visite ad limina des évêques de France. Le Pape François a reçu vendredi 1er octobre le quatrième et dernier groupe d'évêques, venus des diocèses du nord et du nord-est de la France.

Cyprien Viet – Cité du Vatican

«Le rapport sera sévère» et provoquera un «choc» pour les catholiques: Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France, l’a d’emblée reconnu. Le contenu précis du rapport de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus dans l'Église, présidée par Jean-Marc Sauvé) n’est pas encore connu des évêques eux-mêmes, mais Mgr de Moulins-Beaufort a tout de même pris l’initiative de remettre au Pape une note sur le sujet. Il espère que le Saint-Père pourra adresser un mot de réconfort pour les victimes, peut-être dès mercredi lors de l’audience générale.

Évoquant le sujet vendredi matin avec les évêques, le Pape leur a dit: «C’est votre croix». Le président de la CEF reconnaît être «horrifié par les chiffres» mais il interprète aussi ce temps comme un moment de «lumière»: la lumière doit se faire en effet sur ce phénomène dramatique et massif qui touche l’ensemble de la société.

«C’est un problème humain, qui n’est pas seulement une conséquence de Mai-68 ou du cléricalisme, mais c’est un problème que l’on retrouve dans toutes les relations d’éducation avec les enfants. Toute relation d’autorité ou d’éducation peut être pervertie», a expliqué Mgr de Moulins-Beaufort, qui attend la publication du rapport de la Commission Sauvé «avec impatience» et reconnaît la qualité du travail amorcé il y a bientôt trois ans, en novembre 2018.

Les abus sur mineurs, un phénomène d’une ampleur insoupçonnée

L’archevêque de Dijon, Mgr Roland Minnerath, a rappelé que le rapport recouvre une période très vaste, sur sept décennies. Pour de nombreux cas exhumés dans les archives diocésaines, «les agresseurs sont morts», et aucune poursuite judiciaire n'est donc possible à l'encontre de ces prêtres. Ce sont donc des situations délicates qui méritent d’être analysées avec gravité et recul, une fois passé le «moment passionnel» de la semaine à venir. Mais l’abus sur mineurs n’est pas une «maladie inhérente au clergé catholique», a répété Mgr Minnerath. «Mon espoir est que cette crise permette de sortir» de ce phénomène des abus sur mineurs, qui touche tous les milieux sociaux, a redit Mgr de Moulins-Beaufort.

Concernant les réparations financières, elles ne peuvent pas être du ressort direct des diocèses, car leur statut d’associations "Loi 1901" ne leur permet pas d’affecter des fonds à des indemnisations pour abus. Mais tous les fidèles catholiques, à commencer par les évêques eux-mêmes à titre personnel, sont invités à contribuer à un fonds dédié à des indemnisations. Outre l'aide directe aux victimes et à leurs proches, cette participation permet de prendre conscience collectivement de la gravité du phénomène, même si «on ne peut pas réparer l’irréparable», a reconnu l’archevêque de Reims.

Tenir compte des recommandations de la CIASE

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, a expliqué que le recours à une commission indépendante a été salué par les responsables du Saint-Siège avec lesquels le sujet a été abordé. Le recours à des évaluations extérieures est une pratique nécessaire pour avancer, car «on ne peut pas être à la fois juge et partie», a reconnu Mgr Jean-Luc Bouilleret, l’archevêque de Besançon. «À partir de mardi, nous devrons prendre le temps de lire ces nouvelles affreuses, mais aussi tenir compte des recommandations», a expliqué Mgr Ulrich.

Sur le plan juridique, concernant les prêtres accusés d’abus sexuels sur mineurs, l’engorgement des dossiers au niveau de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pose de réelles difficultés, avec des délais très longs. Lui-même membre de ce dicastère, Mgr Minnerath a précisé que «la CDF a centralisé les dossiers pour pallier aux défaillances de certains pays», mais aujourd’hui le projet est de décentraliser les procédures, pour que les conférences épiscopales qui disposent des ressources humaines et juridiques suffisantes puissent statuer plus rapidement. Dans cette optique, Mgr de Moulins-Beaufort a précisé que les évêques de France envisagent de créer un «tribunal pénal national», dont les contours doivent encore être définis précisément.

Tous les évêques font aussi un travail d’écoute sur le terrain, auprès des personnes victimes d’abus, et aussi auprès des prêtres, souvent bouleversés de découvrir l’ampleur de ces scandales. «Le rapport sera douloureux pour eux aussi, et nous devons pas les laisser tout seuls. Nous devons leur dire merci pour leur fidélité», a insisté Mgr Bouilleret, qui a récemment organisé une rencontre avec les prêtres de son diocèse, essentiellement rural. Il sait que les archives diocésaines de Besançon ont permis à la Commission Sauvé d’identifier «plusieurs dizaines de cas d’agressions». Même si chacun peut ressentir «une forme de saturation», il continuera à ouvrir des espaces de dialogue, avec les délégués pastoraux, et tous les diocésains qui le souhaitent, et il se tient disponible pour répondre à toutes les questions des médias locaux.

Regarder vers l’avenir

Malgré cette actualité douloureuse, cette semaine à Rome a été «apaisante et rassérénante», a expliqué Mgr Éric de Moulins-Beaufort lors de cette conférence de presse. Le Pape, fort de son expérience pastorale et de sa connaissance du monde entier, leur a apporté «quelque chose de solide, rassurant, fortifiant». Le président de la CEF voit en lui un «prophète de la nouveauté du Christ».

Mgr Bouilleret a précisé que le Pape a invité l’Église de France à «ne pas être nostalgique du passé, mais à regarder vers l’avenir». Le processus synodal qui s’ouvre dans quelques jours au niveau mondial s’inscrit dans cette dynamique de préparation à ce qui doit advenir, et qui reste à construire avec créativité, sans plan préétabli. Aucun Synode national n’est envisagé pour le moment au niveau de l’Église de France, a précisé le président de la CEF.

Le Pacte éducatif mondial a été abordé par Mgr Ulrich, qui remarqué que le pacte entre «les éducateurs, les familles et la société a été rompu». L’Église a donc son rôle à jouer pour surmonter cette crise de la transmission, alors qu’il n’existe plus «d’anthropologie commune à l’ensemble de la société». L’évêque de Rome a également souligné l’importance d’une Europe unie spirituellement, et non pas comme un simple marché commun.

Mgr Minnerath a salué la «qualité exceptionnelle de l’échange avec le Pape, un dialogue à la fois fraternel et paternel», marqué par un «nouveau style», un «langage de réalité», avec une «parole de réconfort pour chacun». «C’était lumineux, une rencontre qui nous fortifie et nous incite à aller de l’avant», a expliqué l’archevêque de Dijon.

Le témoignage de Mgr Laurent Ulrich

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01 octobre 2021, 18:21