À Calais, «il n’y a pas seulement la violence qui peut changer les choses»
Entretien réalisé par Claire Riobé – Cité du Vatican
«Ce n’est pas un premier pas spontané ; il y a un effet de vitrine et de communication». Le père Philippe Demeestère, en grève de la faim depuis maintenant 19 jours dans l’église Saint-Pierre de Calais (Nord de la France), n’a que peu d’illusion sur l’issue de la rencontre, qui s’est tenue ces derniers jours.
Au sortir des deux entretiens menés avec Didier Leschi, le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), le prêtre de 72 ans compte continuer son combat pour les droits des personnes exilées. Et regrette que la mission de médiation, organisée en quelques jours par le gouvernement français, n’ait pas été suivie de propositions concrètes.
«Une mécanique verbale, policière, juridique, administrative»
Depuis le démantèlement de la «Jungle» de Calais en octobre 2016, 1 500 personnes exilées se trouvent toujours aux portes de la ville, dans l’attente, pour certaines, de pouvoir se rendre en Grande-Bretagne, de l’autre côté de la Manche. La dégradation constante de leurs conditions de vie devient une préoccupation grandissante pour les acteurs sur le terrains, associations en tête, qui dénonce une situation «inhumaine».
Le Secours Catholique, dont le père jésuite est l’aumônier, dénonce un dialogue impossible avec les autorités françaises. Et la rencontre de ces derniers jours n’y aurait finalement rien changé, selon le père Philippe Demeestère. Il se désole de faire face à une «mécanique devenue inhumaine», celle d'un État qui doit répondre à des considérations dictées par un agenda politique. «On à faire avec une mécanique verbale, policière, juridique, administrative… Mais comment l’enrayer, cette mécanique ?», soupire-t-il, quelques heures après la fin des entretiens.
«Le Secours Catholique demande aujourd’hui que les expulsions de personnes exilées cessent au premier novembre, à l’approche de l’hiver. Alors, il y a à ce moment-là la soupe habituelle qui nous est servie, nous disant que c’est impossible, etc», déplore-t-il, en référence à sa récente discussion avec Didier Leschi.
Continuer la grève de la faim
«C’est une grève tonique et joyeuse.» Face à l’inaction des autorités, et faute d’obtenir gain de cause, le père Philippe Demeestère a annoncé continuer, avec un couple de Calaisiens, sa grève de la faim. «Mais comme nous sommes portés par l’espérance, tout le reste est secondaire. Il y a quelque chose qui est porteur, car derrière il y a un enjeu réel. Concrètement, les personnes sont dehors sans tente, tout l’été, parce que même les associations n’ont plus de tentes à leur fournir. Il y a des gamins et des gamines qui claquent des dents…».
Le père Philippe Demeestère se réjouit enfin d’avoir réussi à habiter l’espace politique, ce qui a permis avec d’autres de «dégager des formes de résistance à tout ce qui met à mal la dignité humaine». Un acte symbolique, à six mois des élections présidentielles, «pour que d’autres personnes ne se disent pas qu’il y a seulement la violence pour changer les choses.»
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