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Notre Dame de la Garde, Marseille. Notre Dame de la Garde, Marseille. 

Père Boëdec: la fraternité, identité du christianisme et antidote au désespoir

Un demi-millénaire après la conversion de saint Ignace, toute sa famille spirituelle se retrouve pour la Toussaint à Marseille dans une perspective de prière et réflexion sur son héritage en termes spirituels, intellectuels et d’action. 500 ans après, certains traits caractéristiques jésuites -de liberté, de choix et de service- apparaissent cruciaux pour appréhender les crises contemporaines. Entretien avec le Provincial d’Europe occidentale francophone, père François Boëdec sj.

Delphine Allaire - Marseille, France 

Entretien avec le p. François Boëdec sj., Provincial d'Europe occidentale francophone

Quelle est l’ambition du rassemblement de ce week-end en pleine année ignatienne?

Un premier rassemblement de la famille ignatienne avait eu lieu à Lourdes en 2006.

Quinze ans plus tard, nous avons jugé bon et important de se réunir, d’autant que nous fêtons un double anniversaire: le 500ème du boulet de canon qui a déclenché la conversion de saint Ignace, et le 400ème anniversaire de la canonisation de saint François-Xavier et d'Ignace de Loyola. Autant de bonnes raisons pour se retrouver en famille, dans ce contexte particulier d’évolution de la société, du monde traversé par de grandes mutations. Un contexte d’évolution pour l’Église aussi, marqué en France par le scandale des abus. Il est donc important de se réjouir des liens qui nous unissent par le Christ à la suite d’Ignace, et d'imaginer de quel manière le charisme ignatien peut encore et toujours s’incarner au service du monde et de l’Église.

Nous nous retrouvons aussi dans un lieu évocateur pour nourrir cette audace apostolique: l'Église marseillaise, aux périphéries, pauvre et fragile, mais courageuse.

Quel héritage de saint Ignace subsiste cinq siècles plus tard?

L’héritage premier et immuable, ce sont les Exercices spirituels, don pour toute l’Église, qui se trouve à la disposition de toute personne désireuse de s’ouvrir à Dieu en ces temps troublés. Ils aident à y voir clair et à décider avec le Christ quelle va être la meilleure manière de servir et d’aimer.

Autre héritage précieux, une certaine manière de regarder le monde. À savoir, éviter les regards désabusés, le désespoir et le renfermement. L’enjeu est de regarder le monde comme Dieu le regarde. Avec un amour engagé. 

 

Dans les pas de saint Ignace, à quelles conversions sommes-nous aujourd’hui appelés?

Saint Ignace découvre la foi progressivement, pas d’un coup, subitement. Il se rend compte que la fécondité de son existence ne dépend pas de la force de ses poignets, c’est pourtant un homme très volontariste. Un certain nombre de boulets de canon vont jalonner sa vie. Il reçoit le premier au siège de Pampelune sur le champ de bataille en 1521, mais d’autres suivront tout au long de son existence. Nous aussi, avons nos propres boulets de canon qui obligent à choisir, remettent devant l’essentiel. L’enjeu est d’entendre à quelles conversions, confiance et créativité nous poussent ces boulets de canon, même les plus pesants -que nous avons tous... Saint Ignace montre que Dieu est présent dans les fragilités et blessures du monde; nous ne sommes pas seuls.

Quels points de convergence percevez-vous entre la spiritualité ignatienne et le pontificat François?

Le style jésuite du Pape est très reconnaissable, il est vrai. Mais d'abord, il place sous nos yeux les exigences d’une cohérence de vie à laquelle invite l’Évangile. Nous sommes frappés de voir qu’il est un homme de Dieu avec une vraie vie de foi et de prière; nous sommes touchés par son chemin intérieur.

Ensuite, il y a la liberté. Le Pape François parfois nous secoue tous par son côté très libre. Comme ignatien, nous essayons de vivre cette liberté en tant qu’expérience spirituelle.

Comment ce charisme ignatien peut être utile pour aborder les crises contemporaines?

Je suis sensible au propos du Pape dans Laudato si’. Ce lien qu’il établit entre crise économique, crise sociale et crise spirituelle. Il ne faut pas nier que nous sommes bien dans une période de crises.

Toutes les dimensions sont liées entre elles, l'on ne peut donc pas avancer vers une résolution des crises qui n’en prendrait qu’une seule en compte. Cette crise peut nous refermer sur nous-mêmes, mais l’antidote se trouve dans la fraternité. La fraternité est l’identité profonde du christianisme. Saint Ignace et ses compagnons aussi ont vécu une période de crises, une Église en crise d’autorité dans un monde en crise de croissance… Il y a eu un choix de réformer l’Église et le monde à cette époque-là. Les mêmes questions se posent aujourd’hui, faire ce choix d’aider l’Église à vivre davantage de l’amour du Christ, qui n’a pas peur du monde et s’engage.

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31 octobre 2021, 10:22