Décès du frère Jean-Pierre, le dernier moine de Tibhirine
Cyprien Viet - Cité du Vatican
Il était, depuis le décès du frère Amédée en 2008, le dernier survivant de la communauté de Tibhirine: le frère Jean-Pierre Schumacher s'est éteint ce dimanche 21 novembre 2021, à l'âge de 97 ans, a fait savoir le père Jean-Marie Lassausse, prêtre de la Mission de France qui avait animé le prieuré après le départ des trappistes.
Né le 15 février 1924 en Lorraine, Jean-Pierre Schumacher avait été un «malgré-nous», l'un des jeunes Alsaciens et Lorrains enrôlés de force dans la Wehrmacht. Il échappera néanmoins à l'envoi sur le front de l'Est grâce à un certificat médical faisant état d'une tuberculose.
Il s'engage dans la vie religieuse après la guerre. Formé par les pères maristes et ordonné prêtre en 1953, il rejoint quelques années plus tard le monastère de Timadeuc en Bretagne. Face aux difficultés vécues par la communauté des moines trappistes de Tibhirine dans une Algérie alors indépendante depuis deux ans, il y est envoyé en 1964 avec deux autres moines de Timadeuc, à la demande du cardinal Duval, l'archevêque d'Alger. Il y demeurera plus de 30 ans, apportant le témoignage de l'Évangile dans une terre majoritairement musulmane, qui sera déchirée par la guerre des années 1990.
Le drame de 1996 et la poursuite du témoignage
Cette discrète communauté, rayonnante et bien intégrée dans la population locale, se trouve décimée par l'enlèvement de sept moines, parmi lesquels le prieur, frère Christian de Chergé, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. L'annonce de leur exécution par un communiqué attribué au Groupe Islamique Armé (GIA), le 21 mai suivant, reste entourée de zones d'ombre.
Deux frères de la communauté parvinrent à échapper à la rafle. Frère Amédée et frère Jean-Pierre ont ensuite fait vivre l'esprit de Tibhirine à Midelt, au Maroc, recevant de nombreux pèlerins attachés au dialogue interreligieux et au témoignage de l'espérance chrétienne en terre majoritairement musulmane.
Les sept moines exécutés en 1996 ont été béatifiés le 8 décembre 2018 à Oran, ensemble avec 12 autres religieux martyrs de la guerre civile algérienne. Le frère Jean-Pierre, alors âgé de 94 ans, avait pu assister à la cérémonie.
Le 31 mars 2019, le Pape François l'avait embrassé avec une grande émotion lors de sa visite au Maroc.
(vers 14'50 dans la vidéo)
Un homme «simple et fraternel»
Les hommages au frère Jean-Pierre Schumacher se multiplient ces jours-ci sur les réseaux. Le père Daniel Nourissat, vicaire de la Cathédrale Saint-Pierre de Rabat, a ainsi salué via l'AFP, dimanche, la mémoire d'un «homme simple et fraternel qui savait que sa mission était de témoigner de ce qu’il a vécu à Tibhirine».
Le père Hugues de Woillemont, Secrétaire général de la Conférence des évêques de France a de son coté reaffirmé sur Twitter la proximité de l'Eglise de France «avec tous les témoins d’Algérie et [de] l’église du diocèse de Rabat.»
Enfin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a exprimé ses «Pensées pour ses proches, pour ceux de ses frères trappistes assassinés en 1995 dans les montagnes d’Algérie et que nous n'oublions pas, ainsi que pour tous les catholiques.», dans la matinée du 22 novembre.
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