Mgr Antoniazzi: l'avenir tunisien est incertain, nous restons proches du peuple
Andrea De Angelis - Cité du Vatican
Le président tunisien Kais Saied a prolongé lundi la suspension du Parlement, qu'il avait décidée en juillet, jusqu'à la tenue de nouvelles élections législatives en décembre 2022.
Dans un discours à la nation, Kais Saied a aussi annoncé l'organisation à partir du 1er janvier d'une série de «consultations» populaires portant notamment sur des amendements constitutionnels et électoraux. «De nouvelles élections législatives auront lieu le 17 décembre 2022 sur la base d'une nouvelle loi électorale», a-t-il ajouté.
Cette nouvelle loi, ainsi que des amendements constitutionnels, seront élaborés dans le cadre de consultations populaires qui auront lieu «à partir du 1er janvier jusqu'au 20 mars». «Les réformes constitutionnelles et autres seront soumis à référendum le 25 juillet 2022, jour anniversaire de la proclamation de la République», a-t-il ajouté.
Le président a déclaré qu'un décret sur une loi de «réconciliation nationale» serait également adopté, visant notamment à rétablir les droits des personnes qui ont été volées.
"Les jeunes rêvent de partir"
«Les jeunes, pour la plupart, rêvent de partir, c'est très triste. Ils ne voient pas d'avenir professionnel, ils ne rêvent que de quitter la Tunisie, mais c'est mortel pour un pays». C'est ce qu'a déclaré l'archevêque de Tunis, Mgr Ilario Antoniazzi, dans une interview accordée à Radio Vatican-Vatican News. Nous ne sommes pas nombreux à être chrétiens ici en Tunisie, mais nous faisons ce que nous pouvons très volontiers, notamment grâce à Caritas, explique-t-il. «Nous le faisons dans les écoles, qui sont un lieu de rencontre pour les familles et les jeunes. De nombreux jeunes Tunisiens nous aident dans ce domaine et il est agréable de voir comment chrétiens et musulmans travaillent ensemble pour le bien de ce pays».
Les dernières nouvelles politiques en provenance de Tunisie ont remis le pays sous les projecteurs. Pouvez-vous nous parler de la situation du peuple tunisien?
Ce qui s'est passé accroît l'incertitude pour l'avenir. Vendredi, il y aura des manifestations, bien sûr celles pour et celles contre le président. Nous espérons vraiment que rien ne se passera, il y a une opposition de plus en plus forte ici. La plupart des jeunes rêvent de partir, c'est très triste. Ils ne voient pas d'avenir professionnel, ils ne rêvent que de quitter la Tunisie, mais c'est mortel pour un pays. Les professionnels partent, ou du moins ils veulent partir. L'économie ne va pas bien, en fait, elle empire. Mais si vous me demandez ce qui se passe, je peux vous dire que la situation est calme, la plus grande crainte est pour vendredi prochain.
La pandémie suscite-t-elle de nouvelles craintes sur le plan sanitaire?
Pour l'instant la situation est calme, ici les vaccins sont arrivés trois, quatre mois plus tard qu'en Europe. Le vaccin est donc encore efficace, les craintes portent sur les mois à venir, vers février ou mars. Plusieurs personnes sont un peu dubitatives quant à la troisième dose, elles n'en voient pas encore la nécessité car pour l'instant la situation est stable. Il n'y a pas d'évolution négative comme celle que nous connaissons en Europe en ce moment. Espérons que ce n'est pas le calme avant la tempête.
Vous avez évoqué les jeunes, leur désir de quitter le pays. Quel soutien l'Église leur apporte-t-elle, quelles sont les histoires d'hommes de bonne volonté qui travaillent pour aider les moins fortunés?
L'Église le fait certainement, du moins le peu qu'elle peut faire. Nous ne sommes pas nombreux à être chrétiens ici en Tunisie, mais nous faisons ce que nous pouvons très volontiers, notamment grâce à Caritas. Nous le faisons dans les écoles, qui sont un lieu de rencontre pour les familles et les jeunes. De nombreux jeunes Tunisiens nous aident dans cette tâche et il est agréable de voir comment chrétiens et musulmans travaillent ensemble pour le bien de ce pays. Nous pouvons dialoguer, travailler avec les musulmans, ils viennent à notre aide et nous allons les voir si nous avons besoin d'aide. Il suffit de demander de l'aide, les musulmans et les chrétiens répondent immédiatement. Enfin, le 23 décembre prochain, l'orchestre tunisien viendra à la cathédrale, ici à Tunis, pour chanter des chants de Noël. Entendre un orchestre musulman chanter «Un Sauveur nous est né, venez l'adorer» me donne des frissons d'émotion, d'émoi. Ce sont des choses qui se passent ici, en Tunisie, et c'est beau.
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