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Des fidèles arméniens orthodoxes célèbrent Noël à Alep. Des fidèles arméniens orthodoxes célèbrent Noël à Alep. 

Fraternité humaine: à Alep, le rêve de pouvoir rebâtir ensemble

À l’occasion du troisième anniversaire de la Déclaration pour la Fraternité humaine signée par le Pape et le Grand Imam d’Al-Azhar aux Émirats arabe unis, Vatican News donne la parole à des artisans de paix engagés dans des territoires troublés. Le frère Georges Sabé appartient à la communauté mariste d’Alep, ville martyre de Syrie. Il lance un appel pour que les Syriens retrouvent leur dignité, essentielle à la paix.

Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican

Alep, deuxième ville de Syrie, fut le fleuron économique du pays, avant d’être le théâtre de la plus importante bataille de la guerre entre 2012 et 2016. Alep fut littéralement scindée en deux pendant six ans. Dans la ville martyre, on parle de plus de 21 500 civils tués. Ses habitants vivaient dans la crainte des bombes ou de tomber entre les mains de Daesh. Le souvenir des violences ou du fanatisme des djihadistes plane encore aujourd’hui, nous explique le frère mariste Georges Sabé

Entretien avec le frère mariste George Sabé

Malheureusement toute guerre laisse des peurs dans le cœur des gens: la crainte que ça ne se répète pas de nouveau, qu’on ne vive pas imprégnés surtout de fanatisme. Les traces [laissées par la guerre] c’est à la fois une peur à l’intérieur mais aussi, ce sont des réactions non pas de communautés mais de communautarisme. Malheureusement une poussée fanatique d’un côté crée du fanatisme chez certains de l’autre côté aussi. Je crois que nous sommes invités aujourd’hui à être des personnes qui n’excluent pas l’autre.

Autre conséquence de la guerre, la précarité dans laquelle se trouve les Aleppins. Est-ce également une menace pour la coexistence pacifique ?

Si la guerre, les bombardements ce sont arrêtés, hélas, nous sommes en train de vivre une bombe encore plus forte, c’est la bombe économique . Aujourd’hui la Syrie est sous sanctions. La Syrie est exclue du monde. Nous ne vivons pas avec notre dignité de personnes humaines. L’électricité nous arrive à peu près deux heures par jour. Si on parle de fraternité humaine, cela signifie accepter l’autre, tolérer sa présence malgré ses défauts, et on ne dit pas que nous en sommes privés. Mais on ne peut pas exclure l’autre, pour n’importe quelles raisons. On peut ouvrir des chemins de dialogue entre nous. S’il vous plaît ne nous excluez pas, ne nous mettez pas au rang de la misère. Donnez-nous cette chance de pouvoir rebâtir la personne humaine et de rebâtir notre pays, notre église, notre communauté. Nous agissons à l’intérieur du pays auprès de la population pour l’aider à retrouver sa dignité mais cela ne suffit pas. Nous avons besoin que le monde, et surtout le monde occidental, nous regarde avec plus d’humanité.

Plus de 2 millions d’enfants, selon un rapport de l’Unicef datant de 2016, étaient déscolarisés en Syrie. Est-ce que ces enfants ont repris le chemin de l’école et dans quel état d’esprit ?

Nos jeunes n’ont aucun problème à rencontrer l’autre. Jusqu’à maintenant on a pas eu de problème parce que, vous savez, un jeune se reconnait dans un autre jeune. Là où on pourrait avoir des problèmes, c’est quand il y a des préjugés qui viennent des adultes et qui sont imposés aux jeunes. Là, on a à casser. Là, nous avons à nous réunir avec les parents et leur parler de l’importance d’être avec l’autre et c’est ce que nous faisons.

Comme maristes, quelle histoire enseignez-vous, quelles valeurs transmettez-vous pour construire la Syrie de demain ?

Sans éducation, nous pourrons retomber dans une guerre. Eduquer, ce n’est pas seulement dire que je dois respecter l’autre, c’est nous permettre de vivre ensemble. Nous avons lancé des projets de développement humain pour des personnes âgées, spécialement pour des femmes. À chaque fois que nous leur offrons des sessions de formation, elles finissent par dire que ce fut pour elles une chance, la possibilité de découvrir l’autre qui, avant, était tout à fait différent de moi et qui est aujourd’hui mon frère, ma sœur, avec lesquels on a pu partager un bout de chemin, ensemble.

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09 février 2022, 14:00