Méditation du Vendredi Saint : « le bois de la Croix a porté le salut au monde »
Lectures :
Is 52,13 - 53,12
He 4,14-16 ; 5,7-9
Jn 18,1 – 19,42
En ce Vendredi Saint, la liturgie nous invite à honorer le bois de la croix qui a porté le salut du monde. L’instrument de supplice qu’est la croix devient pour nous l’irréfutable signe de l’amour de ce Dieu qui nous arrache à la mort.
C’est d’abord vers le silence que nous conduit le Vendredi Saint : l’homme qu’une foule enthousiaste avait acclamé à son entrée à Jérusalem, l’homme qui a lavé les pieds de ses disciples lors d’un inoubliable repas pascal, l’homme auquel tant de générations de croyants ont rendu témoignage, l’homme que nous-mêmes voulons aimer et servir... ce Jésus de Nazareth connaît une fin misérable après une sentence honteuse. Le prophète Isaïe l’avait annoncé : « Il a été maltraité, il s’est laissé humilier et il n’a pas ouvert la bouche ; il était comme un agneau mené à l’abattoir, comme une brebis muette devant ses tondeurs, et il n'a pas ouvert la bouche ». Le silence s’impose à nous.
En ce Vendredi Saint, comment ne pas penser aux situations auxquelles sont confrontés tant d’hommes, de femmes et d’enfants pris dans la violence de la guerre (en Ethiopie, au Sud Soudan, dans la Région des Grands Lacs, en Syrie, en Ukraine, au Yémen, ailleurs encore). Nous sommes submergés par ces drames où nous voyons des êtres humains - comme nous - capables de donner la mort à d’autres êtres humains. Aujourd’hui aussi, il est difficile de ne pas penser à toutes les personnes qui courent tant de risques en fuyant leur pays. Il est difficile de ne pas penser à tant de parents qui souffrent aux côtés de leur enfant gravement malade. Oui, il y a des moments où les mots paraissent résonner dans le vide. Tourner alors notre regard vers Jésus en croix nous fait pressentir que Dieu lui-même ne reste pas froid devant nos souffrances. Celui que nous appelons le « Tout-Puissant » prend la figure de ce Jésus qui, tout innocent qu’il ait été, est condamné lors d’un procès à charge puis conduit à la mort. En Jésus, Dieu se fait proche de tous ceux et celles dont la vie est broyée. Le Dieu que nous découvrons en Jésus souffre avec nous … dans le silence.
Cependant, le silence habité par une présence est bien différent du silence vécu dans l’isolement. L’évangéliste Jean rapporte la présence de Marie à la croix … comme tant d’hommes et de femmes qui ont su, et pu, se tenir aux côtés d’un proche vivant ses derniers instants. Dans de telles situations s’exprime l’intelligence du cœur (une intelligence discrète et puissante, humble et forte).
Dans les différents récits de la Passion, Jésus se confie totalement au Père. Jésus n’a pas recherché les souffrances. Il pouvait comprendre leur arrivée imminente, et il n’a pas fui devant elles. Jésus s’est dépouillé de tout, en ayant foi en Celui qui ne l’abandonnerait pas au pouvoir de la mort. Jésus assume pleinement notre condition humaine – jusqu’à nos connivences avec la mort, jusqu’à notre péché - et nous libère de tout ce qui pourrait faire obstacle à la Vie offerte par le Père. Jésus s’anéantit pour nous conduire vers cette nouvelle Vie.
Alors, c'est vrai : nous entrons aujourd’hui dans le silence du Vendredi Saint. Peut-être craignons-nous que ce silence ait le goût du désespoir ? ou que ce silence recèle une froide indignation ? Si tel est le cas, demandons au Seigneur de nous aider à vaincre cette crainte, afin que, aujourd’hui, le silence de ce Vendredi Saint soit habité de confiance, d’humilité et de paix. Jésus est pleinement entré dans notre condition humaine pour que son Père réveille notre condition humaine à la vraie Vie. Le don de Jésus est radical.
Puisse le silence dans lequel nous entrons en ce jour prendre la forme d’une profonde gratitude.
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