Au Pérou, l’Église a offert sa médiation face à la crise sociale
Adélaïde Patrignani (Avec Sir et AFP) – Cité du Vatican
Le président péruvien Pedro Castillo a annoncé ce mardi 5 avril l’instauration d’un couvre-feu à Lima, la capitale, ainsi que dans la ville portuaire voisine de Callao, après des manifestations violentes des transporteurs contre la hausse des prix du carburant.
Le couvre-feu, qui concerne environ 10 millions d'habitants, entre en vigueur à l'aube et sera maintenu jusqu'à mardi minuit, étant donné les «faits de violence que certains groupes ont voulu susciter» et «afin de rétablir la paix et l'ordre», a déclaré le chef de l’État lors d'une allocution télévisée diffusée lundi soir.
Colère due à l’inflation
Des affrontements entre les manifestants et la police ont éclaté dans plusieurs zones du pays, durant un mouvement de grève lancé par les transporteurs. Le chaos a débuté vendredi 1er avril à Huancayo, ville du département de Junin, dans la région centrale du Pérou.
Les manifestations, qui ont provoqué des blocages routiers et une suspension des classes dans plusieurs régions, ont été déclenchées par la hausse du coût du carburant et des péages ainsi que des prix alimentaires. Elles ont aussi donné lieu à des scènes de pillage dans des magasins dans le Sud et l'Est du pays, selon des images retransmises par les télévisions locales.
Le syndicat des transports a appelé à la poursuite du mouvement de grève jusqu'à mardi.
Tentatives d’apaisement
«Je lance un appel au calme, à la sérénité. La protestation sociale est un droit constitutionnel mais il doit s'exercer dans le respect de la loi», a souligné le président péruvien de gauche, dont le gouvernement a supprimé la semaine dernière un impôt sur les carburants dans un souci d'apaisement. Une augmentation de 10% du salaire minimum qui atteindra l'équivalent de 277 dollars à partir du 1er mai, a également été décretée.
Le rôle de médiateur du cardinal Barreto
Dans ce contexte de tensions sociales, l’Église catholique péruvienne a rappelé «le droit légitime de protester, protégé par notre Constitution politique (article 2)», mais condamné «la violence exprimée par le blocage des rues, car il empêche la libre circulation des personnes et le transport des aliments. L'alimentation de tout être humain est un droit qui doit être garanti». Elle s’est exprimée dans un message intitulé Le dialogue et la prévention des conflits sont la voie du bien commun, signé par Miguel Cabrejos Vidarte, archevêque de Trujillo et président de la Conférence épiscopale péruvienne, et publié le 2 avril. Mgr Cabrejos Vidarte a aussi appelé à «promouvoir le dialogue».
Un dialogue mis en œuvre concrètement par le cardinal Pedro Barreto, archevêque de Huancayo, dont le rôle de médiateur a permis d’aboutir aux premières mesures du gouvernement pour enrayer la crise.
«Huancayo est situé à 300 kilomètres de Lima et est considéré comme le "garde-manger" de la capitale, explique le cardinal Barreto à l’agence Sir. Les manifestations ont été très fortes, notamment parce que le gouvernement du président Castillo prétend être "du peuple et pour le peuple". Six ministres sont venus ici, et le président Castillo m'a téléphoné et m'a demandé de faire une médiation. Ainsi, le samedi matin [2 avril, ndlr], j'ai immédiatement essayé de dialoguer avec de nombreuses personnes que je connais directement. Les routes étaient bloquées, la situation était très tendue, décrit-il. Il était important que les ministres viennent ici et écoutent les demandes de la population. Au début, le dialogue a été difficile, les secteurs les plus radicaux voulaient que le président Castillo lui-même soit présent [et ils avaient d’abord refusé la médiation du cardinal, ndlr], puis nous avons patiemment réussi à trouver un chemin. Jeudi 7 avril se tiendra le Conseil des ministres décentralisé, en présence du président, qui ratifiera l'accord conclu», rapporte l’archevêque.
Le cardinal Barreto estime que ces contestations sont la résultante «d'une part, des conséquences de la guerre en Ukraine», avec la hausse de la prix du pétrole, «et d'autre part de l'économie libérale qui favorise les profits des entreprises et frappe les secteurs les plus défavorisés de la population et les petits agriculteurs en particulier».
Il s’agit du premier conflit social qu'affronte le chef de l'État depuis son élection en juillet dernier à la tête du pays latino-américain. Avant l'élection de Pedro Castillo, le Pérou a été secoué par des crises ministérielles à répétition et la formation de quatre gouvernements en huit mois.
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