Évêques britanniques: «Les demandeurs d’asile ne sont pas des marchandises»
Vatican News (avec AFP)
Le projet controversé du gouvernement britannique suscite l’ire de l’épiscopat, qui s’est exprimé mardi 14 juin dans un message signé de Mgr Paul McAleenan, évêque auxiliaire de Westminster, en charge des questions de migration au sein de la conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles.
«Un projet contre-productif»
En décidant d'expulser de force vers le Rwanda des personnes ayant cherché refuge au Royaume-Uni, Londres «illustre de manière honteuse ce que le Pape François a appelé "la perte du sens de la responsabilité envers nos frères et sœurs sur lequel se fonde toute société civile"», estime Mgr McAleenan. «Ce projet ne fera qu'accroître les difficultés de ceux qui espèrent un nouveau départ, et il ne fait rien pour résoudre les problèmes qui poussent les gens à fuir leur foyer», affirme-t-il.
Le gouvernement entend dissuader les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d'augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l'immigration depuis le Brexit. Suite à divers recours individuels, le vol spécialement affrété pour le Rwanda pour des centaines de milliers d'euros et prévu dans la soirée du 14 juin risque de décoller quasi vide. Selon l'association Care4Calais, seuls sept migrants sont attendus alors que les autorités comptaient en envoyer jusqu'à 130 au départ (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens).
Le gouvernement britannique affiche sa détermination, malgré les critiques qui s’élèvent. «Il y aura des personnes sur ces vols et si elles ne sont pas sur ce vol, elle seront sur le suivant», a ainsi soutenu la cheffe de la diplomatie Liz Truss sur Sky News. «Ce qui importe vraiment, c'est d'établir le principe» et de «briser le modèle économique de ces gens épouvantables, ces trafiquants qui font commerce de la détresse», a-t-elle plaidé.
«Nous n'allons d'aucune façon être dissuadés ou gênés par certaines critiques», a abondé le Premier ministre britannique Boris Johnson. De nouveaux recours individuels sont encore attendus, alors qu'un examen détaillé de la légalité de la mesure prévu en juillet.
Protéger la dignité de chaque personne
«Le crime est vaincu en confrontant les auteurs, et non en punissant les victimes», juge quant à lui l’épiscopat britannique. «La migration est une question complexe, mais elle n'est pas résolue en déléguant nos rôles et nos responsabilités à d'autres pays», souligne encore Mgr McAleenan.
«Que le vol vers le Rwanda décolle ou non aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation nouvelle, poursuit-il. Nous insistons avec plus de force sur le fait que les demandeurs d'asile ne sont pas des marchandises à but lucratif, ni des problèmes à rejeter et à expulser par le gouvernement».
L’évêque auxiliaire de Westminster rappelle «la dignité innée de chaque personne, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu. Notre foi chrétienne exige que nous répondions généreusement aux demandeurs d'asile dont la dignité doit être protégée et défendue», écrit-il.
En conclusion de son message, il demande de suivre «les quatre verbes fournis par le Pape François dans notre approche des migrants et des réfugiés: "Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer"».
Une «honte» pour l’Église anglicane
Ce projet d’expulsion suscite également l’indignation au sein de l’Église anglicane. «Cette politique immorale couvre le Royaume-Uni de honte», ont ainsi estimé dans une lettre publiée mardi par le journal The Times, les chefs spirituels de l'Église anglicane, dont l'archevêque de Canterbury Justin Welby, celui de York, Stephen Cottrell, et 23 autres évêques. «Notre héritage chrétien devrait nous inciter à traiter les demandeurs d'asile avec compassion, équité et justice», insistent-ils.
Des critiques rejetées par la ministre Liz Truss. «Notre politique est totalement légale. C'est totalement moral», a-t-elle affirmé, assurant que le Rwanda était «un pays sûr». «Les personnes immorales dans ce cas-ci sont les trafiquants», a-t-elle ajouté.
En vertu de son accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (soit 140 millions d'euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait aux migrants la possibilité «de s'installer de manière permanente».
Depuis le début de l'année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes. Plusieurs centaines sont arrivés ces derniers jours.
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