Jérusalem: «l’absence de garanties internationales a mené à la victoire des colons»
Entretien réalisé par Claire Riobé - Cité du Vatican
C'était une «bataille perdue d'avance». La Cour suprême israélienne a validé, le 8 juin au soir, l'acquisition de biens fonciers de l'Église grecque-orthodoxe dans la vieille ville de Jérusalem par une association de colons israéliens. Après près de vingt ans de procédures juridiques, l'organisation ultra-nationaliste juive Ateret Cohanin est désormais autorisée à occuper deux hôtels localisés dans les quartiers chrétiens et musulmans de la vieille ville.
Une menace physique, religieuse et culturelle
Pour Mgr William Shomali, vicaire du Patriarcat latin de Jérusalem, la perte de ces propriétés va modifier l’aspect du quartier chrétien de Jérusalem-Est. «Les deux hôtels situés dans notre quartier peuvent accueillir des centaines de colons, qui sont armés et parfois violents. Pour nous, cela signifie qu'ils peuvent, à n’importe quel moment ou arrêter la circulation du quartier chrétien, arrêter les processions religieuses qui y passent», avertit-il.
Une menace physique, religieuse et culturelle à venir, estime-t-il, dont les Palestiniens chrétiens seront les premières victimes. «Nous ne voulons pas que notre quartier soit contrôlé par les colons. Pour nous, c'est comme si nous achetions deux grands hôtels au centre de Mea Shearim [quartier juif ultra-orthodoxe de Jérusalem-Ouest, ndltr]. Chacun doit avoir son espace pour respirer», insiste-t-il.
Mgr Shomali reconnait «une faiblesse de la part du patriarcat orthodoxe», dont les employés auraient reçu des «pots de vins» en 2004, les poussant à signer avec Ateret Cohanin la vente des deux hôtels. Le vicaire patriarcal de Jérusalem signale cependant une «sympathie de la Cour israélienne envers les colons», qui a fait de cette question juridique une bataille perdue d'avance pour les chrétiens de la vieille ville.
Judaïsation de la vieille ville
Des colons d'Ateret Cohanin avaient déjà pris possession, le 26 mars 2022, d'une partie de l'hôtel Petra, sans qu'un ordre d'éviction n'ait été émis, et alors que l'affaire n'était pas encore tranchée par la Cour israélienne. Pour le Patriarcat grec-orthodoxe, la décision du 8 juin dernier est «injuste» ; elle enterine des méthodes «malhonnêtes et illégales» de la part des colons, dans l'un des endroits les plus symboliques de la présence arabe musulmane et chrétienne de Jérusalem.
Mgr Shomali dénonce de son côté un mouvement de judaïsation de la vieille ville, déjà entamé ces dernières années. L'entrée du quartier chrétien, où passe la route de la Porte Neuve, serait à titre d'exemple devenu «un bar à ciel ouvert». Les Israéliens y vont et viennent «pour boire une bière ou un café», souligne-t-il, participant à transformer d’un des rares espaces toujours réservés aux chrétiens palestiniens.
Nécessité de garanties internationales
Mgr Shomali demande aujourd'hui à ce que le statut de Jérusalem soit protégé, de sorte que toutes les communautés et tous les pèlerins puissent y circuler paisiblement. «Jérusalem doit être une ville ouverte à tous, avec des droits égaux pour toutes les communautés, où chacune respecte l’autre», exige-t-il.
Les communautés chrétiennes ont aujourd'hui besoin de garanties internationales pour protéger le statut particulier de Jérusalem. «Nous n’utilisons jamais la violence (...). L’absence de telles garanties a mené à la victoire des colons», affirme Mgr Shomali.
La justice israélienne doit encore trancher sur un autre volet de cette bataille juridique, concernant le sort des résidents palestiniens qui ont le statut de «locataires protégés», selon Assaad Mazzawi, avocat du patriarcat grec-orthodoxe.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici