Le Pape François et des délégations de peuples autochtones du Canada dans le Palais apostolique, le 1er avril 2022. Le Pape François et des délégations de peuples autochtones du Canada dans le Palais apostolique, le 1er avril 2022.  

Le Pape et les autochtones du Canada, une rencontre d'écoute et de guérison

Plusieurs moments du voyage du Pape au Canada, programmé du 24 au 30 juillet prochain, seront consacrés au dialogue et à la réconciliation avec le peuple des Premières Nations. Décryptage des enjeux du voyage avec le recteur du Collège pontifical canadien à Rome, père Jaroslaw Kaufmann.

Alessandro Di Bussolo - Cité du Vatican

Le Pape François passera six jours au Canada, dont cinq seront consacrés à des rencontres, notamment avec les peuples indigènes, après avoir demandé publiquement pardon, le 1er avril, pour les abus dont ont été victimes les enfants des peuples indigènes dans les écoles confiées par le gouvernement aux églises chrétiennes et à l'Église catholique, entre la fin du XIXe siècle et les dernières décennies du XXe siècle.

Lors de chacune de ses quatre étapes, à Edmonton, Maskwacis, Québec et Iqaluit, François rencontrera des représentants des peuples autochtones. Le 26 juillet, il participera au pèlerinage annuel au lac Sainte-Anne en compagnie de quelques fidèles autochtones. Et le dernier jour au Canada, au sud du cercle polaire, aura lieu une conversation privée avec une délégation d'anciens élèves des pensionnats dans une école primaire.

 

Pour la guérison et la réconciliation

Les évêques canadiens, rappelant qu'il s'agira de la quatrième visite d'un Souverain pontife dans le pays, vingt ans après la dernière visite de saint Jean-Paul II, soulignent que le voyage «sera centré sur la guérison et la réconciliation des peuples autochtones». Le père Jaroslaw Kaufmann, recteur du Collège pontifical canadien depuis 2017, explique à Vatican News qu'après la demande publique de pardon du Pape François lors d'une audience avec les autochtones et les évêques canadiens, «il est encore trop tôt pour dire que quelque chose a changé, mais il est bon qu'un dialogue se soit ouvert». Religieux sulpicien, d'origine polonaise mais naturalisé canadien, il a vécu trente ans à Montréal, et de 2011 à 2017, avant d'être appelé à Rome, a été recteur du Grand Séminaire de Montréal.

Que signifiera ce voyage du Pape, 20 ans après celui de Jean Paul II, pour l'Église au Canada et pour le pays en général?

Je pense que c'est un voyage très important, surtout après les 20 ans de la venue de Jean Paul II qui a touché les cœurs et a été aimé au Canada par sa présence. Tant de choses ont changé depuis, et tout le monde au Canada se prépare à cette visite que le Premier ministre a dit attendre avec impatience. C'est une visite importante surtout pour la question de la réconciliation avec les indigènes: ce qui s'est passé en effet nécessite un temps de rencontre et de dialogue surtout un temps de conversion et un temps pour trouver des ponts entre ce qui s'est passé au Canada, entre le peuple canadien, les chrétiens et les indigènes. Les autochtones, les catholiques et les chrétiens, et la population canadienne, tels seront à mon avis les trois points d'observation de cette visite. Cette visite reste importante pour continuer sur la voie du dialogue et de la guérison de cette situation qui nous touche tant. Nous recherchons et espérons une réconciliation de l'ensemble de la population canadienne.

Après la publication du programme, les évêques canadiens ont souligné l'engagement de François en faveur de «la guérison et de la réconciliation des peuples autochtones». Après son plaidoyer public pour le pardon des abus commis sur les enfants autochtones dans les pensionnats catholiques, le climat dans le pays sur ces questions a-t-il changé?

Il est trop tôt pour dire que quelque chose a déjà changé, car il y a eu les premiers pas, mais la guérison prend du temps, nous parlons de la guérison des cœurs et pas seulement des perspectives. Un dialogue s'est ouvert. Il est important que le Pape vienne et ensuite, la mesure dans laquelle il peut changer, dépend de nous, du peuple canadien. C'est difficile, car nous parlons de blessures, de colère et de tristesse, mais aussi de la volonté de guérir. Cela prend du temps et le Pape a montré qu'il ne suffit pas de s'excuser ou de pardonner, il est important de se rencontrer, de parler, d'écouter et de vivre ensemble. François souligne toujours l'importance de rencontrer les gens, de leur permettre d'exprimer leur douleur, et le Pape veut surtout écouter et être avec les autochtones. Je pense que ce seront les autochtones qui s'impliqueront le plus, tandis que les Canadiens observeront ce qui se passe. Il sera très important de comprendre la relation et le dialogue qui sont possibles, entre les chrétiens et les autochtones, et comment vivre ensemble dans ce beau pays qu'est le Canada.

Une étape importante, la participation du Pape au pèlerinage en l'honneur de sainte Anne en Alberta. D'où vient la grande dévotion des Canadiens et des peuples indigènes envers Sainte Anne?

Cette dévotion à Sainte Anne doit être lue comme un respect pour les ancêtres. Nous savons que tout ce que le Canada est aujourd'hui, nous le devons à nos ancêtres, à ceux qui ont construit ce pays. Et en un sens, ces deux aînés, Anne et Joachim, sont, en tant qu'aînés, les garants de la transmission de la foi, de la culture, de la langue et de l'amour. Pour les peuples indigènes, les ancêtres sont fondamentaux, ils sont très attachés et connectés à eux. Dans la culture occidentale, en revanche, nous ne reconnaissons pas la valeur des ancêtres et des anciens. Les peuples indigènes croient que tout ce qu'ils sont aujourd'hui, ils le doivent à leurs ancêtres. C'est pourquoi Anna et Joachim sont si importants dans leur dévotion. Je me souviens que lorsque je travaillais au séminaire de Montréal, à côté d'un tableau de la Sainte Famille, nous avions un portrait indigène d'Anne et Joachim, car c'était pour eux le lien avec le passé, un lien de foi et de sagesse. C'est pourquoi le Pape se rend dans des lieux où Sainte Anne est vénérée et ce sera un événement symbolique pour les autochtones et pour les chrétiens et les catholiques du Canada.

Comment le Collège pontifical canadien de Rome participe-t-il à la préparation de ce voyage?

Le collège s'est préparé depuis l'annonce de cette visite, avec des prières personnelles et collectives quotidiennes. Nous avons prié devant le Saint Sacrement et lorsque les autochtones sont venus à Rome, nous avons suivi la visite. C'était au cours de l'année. En tant que collège, nous ne pouvons pas tous participer au voyage car nous venons de différentes régions du Canada, mais certains seront présents aux différentes célébrations. Ainsi, les prêtres qui retournent dans leurs diocèses seront avec le Pape pour prier.

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25 juin 2022, 12:44